J'avais pas trop envie de repondre, mais finalement…
… Des bac+5 payés au SMIC. Oui. Normal.
Pour maquiller les statistiques du chômage, des politiciens se sont dits un jour : on va garder les lycéens/étudiants le plus longtemps possible. Pendant que ces jeunes gens seront inscrits dans les lycées ou dans les universités, ils ne seront pas inscrits dans les listes de Pôle emploi.
En quoi retenir les cohortes quelques annees change le chomage ?
Tu as deja vu des politiciens derriere l'epaule des lyceens pour leur signaler de faire de longues etudes?
Tu n'as pas l'impression qu'avec la complexification de tous les objets du quotidiens, des procedes pour les obtenir et des fonctions qu'on attend d'eux, il est necessaire d'avoir plus de gens avec des formations plus longues pour les concevoir, a plus forte raison lorsque le pays en question est la France et qu'elle mise tout sur la haute technologie et le luxe (mais en fait ca marche aussi pour changer un phare de voiture).
Un exemple parmi d'autres? P&G, Amiens, plus gros site petrochimique d'Europe, un petit millier d'employes pour faire des putains de detergents: pratiquement pas d'ouvriers (genre 30 a tout casser), le reste c'est du technicien sup (BAC+3 minimum), ingenieur, et docteurs (y a aussi des interimaires qui servent a masquer les chiffres pour le coup puisque si leur volume varie fortement en fonction de la saison cela permet a l'usine de ne pas afficher de licenciment par exemple) - en dehors de l'administratif, RH et consort.
Les ingenieurs il y en a bien sur en bureau d'etude, mais un bon paquet si ce n'est la majorite sont des techniciens sup, avec une machine attribuee dont ils s'occupent. Comme ca, ca fait peu glamour, mais en realite les machines sont toutes des prototypes, a la pointe de la technologie, et d'une telle complexite qu'en effet, il faut au moins des mecs avec une bonne formation pour s'en occuper.
C'est clair que si tu veux produire mieux, innover, etre competitif, tirer la technologie vers le haut, il te faut un rallongement de la qualification theorique des gens que tu veux embaucher. Quand tu as ces objectifs dans a peu pres toutes les boites de France ou en occident, et bien en effet, en moyenne il te faut des gens plus qualifies. Et quand tu les obtiens, la loi de l'offre et de la demande te permet de les payer moins. Sarko en a reve, le marche l'a fait.
L'autre facteur, et c'est la ou tu prends le probleme a l'envers, c'est que les jeunes ont pas envie d'entrer sur un marche du travail asymetrique, ou ils seront broyes pour des chimeres ideologiques qui frolent le ridicule et sont vides de sens a leurs yeux. Retarder l'entree sur le marche de l'emploi par quelques diplomes en plus, une annee sabatique, un projet de VIE ou d'engagement civique, une premiere experience d'entreprenariat, voire tenter d'y echapper purement et simplement (je me rappelle d'une amie en ecole qui revait de faire de la chimie nucleaire, elle s'est bardee de diplomes et a bosse comme une damnee pour cela ; apres 5 mois a travailler dans le domaine, a Fessenheim pour le coup, elle a tout plaque pour aller faire des crepes bretonnes en Autralie et voyager modestement - et c'est loin d'etre le seul cas que je connais -).
Et pour te dire a tel point c'est l'inverse qui se passe, il suffit d'observer l'Espagne ou le taux de chomage chez les jeunes est tellement haut, qu'ils retournent a l'universite pour se cultiver et apprendre en 'attendant' pour pas ne 'rien faire'.
Et ceci-faisant, on a TOTALEMENT discrédité des tas de formations. On a dit à des tas de gamins : "Poursuivez de longues études, même si vous n'avez pas les aptitudes intellectuelles nécessaires". (Tiens, j'ai un exemple en tête.)
Il n'y a pas de selections en entree de master ou en entree d'ecole d'ingenieur ? Tu supposes donc que le niveau est devenu tellement bas que ces selections laisser passer des gens sans aptitudes intellectuelles (en verite, j'ai rencontre un tas de Bac+5 qui etaient effectivement des branquignoles et en fait, ils sortaient pas de la fac mais des ecoles les plus prestigieuses). Mais je m'interroge sur la qualite de l'enseignement. Pour avoir etudie en France et dans d'autres pays au classement PISA plus eleve que la France, j'ai jamais autant bosse et appris en France, la ou ailleurs c'etait branlette integrale (et j'etais pas en erasmus hein, mais en vrai cursus).
Et il considère que ce serait dévalorisant de se réorienter vers ces métiers. […] les filières qui recrutent, c'est la filière de boulanger-pâtissier, ou la filière de boucher, ou la filière de plombier, le pauvre diplômé n'est pas formé pour ces métiers.
Ou alors ils n'ont juste pas envie de faire ce metier qui ne les interesse pas. Et donc on fait quoi? On force ces gens a faire un metier qu'ils n'ont pas envie de faire parce que la hype du moment sur le marche de l'emploi c'est boulanger-patissier ? Par ailleurs il ne faut pas de diplome pour ces metiers - je veux dire n'est pas plombier, chef, patissier qui veut - ?
La encore, c'est assez drole parce que dans ma promotion je ne compte plus ceux qui ont decide de faire autre chose que ce dont le diplome leur donne acces techniquement (entre ceux qui partent faire de la musique, ceux qui poursuivent leur carriere de sportif, j'en connais une qui fait du theatre, un autre qui est principalement ecrivain, et j'en passe - grosso modo 30% continue en these pour acceder a la recherche ou juste pour un diplome de plus, 10% partent faire totalement autre chose). L'exemple le plus extreme etant justement un ingenieur diplome qui a prefere ensuite faire un CAP boulangerie et ouvrir sa boulangerie plutot que de faire ingenieur ou tout autre metier.
On a dit à des tas de gamins
Non, on a dit a des tas de gamins: faites le metier que vous voulez et donnez vous les moyens de le faire. On leur a aussi dit que le monde du travail c'est (majoritairement) de la merde abrutissante ou tu vends ton corps ou matiere grise pendant 8 a 10h par jour, pour des trucs qui n'ont ni queue ni tete, souvent pour toucher jusqu'a moins du millionieme au prorata de la valeur ajoutee, et ou contrairement au serfage, tu n'as pas la securite de pouvoir travailler (ce qui est different de la securite de l'emploi hein).
On leur a aussi dit, du coup, que l'intellect, le savoir, la connaissance c'etait bien plus important que de sucer le glacon d'un patron aux delires et envies ephemeres parce que le temps d'arriver sur le marche du travail, ce sera un autre avec d'autres envies et d'autres besoins.
Je pose comme axiome que c'est aux institutions a s'adapter a des changements majeurs (par exemple ceux de mentalites au sein des populations, des changement ecologiques, ou dans la validite des axiomes du systeme economique en vigueur) et pas aux populations d'etre contrainte a se conformer a des institutions. Et aujourd'hui j'ai plutot l'impression que les institutions essayent par tous les moyens de contenir des changements majeurs dans les comportements globaux de la population, que ce soit dans la reponse securitaire ou la surenchere liberale (pour rebondir sur les propos de Mewtow auxquels je souscris tres largement, il y a ce schema ideologique que l'on retrouvait avec le communisme: "Se le communisme ne fonctionne pas actuellement c'est qu'il y a pas assez de communisme").
Sans parler des autres effets dévastateurs de cette mesure…
Quelle mesure ? Quels effets ?
Maintenant pour repondre a Gabro qui trouve que le PS est pas trop liberal, il va falloir sortir la loupe historique. Par definition initiale de la gauche, ce sont ceux qui sont en faveur du liberalisme societale et du liberalisme economique la ou la droite etait conservatrice et pour la monarchie. L'ideologie socialiste, classee a gauche, rompt clairement avec le liberalisme economique, et dans les versions les plus devoyees, avec le liberalisme societale. Que la gauche francaise renoue avec ses ideologies du passee, vide de sens, cela ne me surprends pas, et n'est pas incoherent avec la definition traditionnelle de la gauche. C'est juste qu'en conservant le nom de parti socialiste elle perd effectivement la coherence entre une mouvance de gauche a laquelle elle n'appartient plus.
Maintenant, outre la semantique, il y a les faits. Entre Beregovoy chevronne du capitalisme liberal et financier, Delors et Lamy qui ont outrepasse toutes les attentes de n'importe quel liberal, Attali et consort, y a de quoi faire ces dernieres annees. Je m'auto-cite pour quelques reformes de socialistes que la droite contemporaine n'aurait pas oser faire:
L'échelle mobile des salaires, qui ajuste les salaires des travailleurs sur l'inflation pour leur permettre de conserver leur pouvoir d'achat, a été mis en place en 1952 par le parti libéral les Républicains indépendants (sous pression de l'ancêtre du parti socialiste certes). Elle sera supprimé par Jacques Delors, socialiste, sous le gouvernement socialiste de Mitterrand en 1982. Notons que l'Italie a supprimé la sienne en 1992 pour rentrer dans l'Union Européenne : cela en dit long sur les promesses d'Europe sociale de notre « gauche » depuis 20 ans. Le gel de la cotisation patronale santé, en 1984 (Mitterrand - « Gauche »). Puis vient le tour de la cotisation patronale chômage gelée en 1993 (Mitterrand - « Gauche »), de la cotisation salariale gelée au milieu des années 1990 (Mitterrand - « Gauche »).
Delors et Lamy, par une irresistible envie de « moderniser » le traité de Rome et plus particulièrement l'article 56 devenu l'article 63 dans le traité de Lisbonne : « Toutes les restrictions de mouvements de capitaux entres les États membres et les pays tiers sont intedites ». Le summun de la libéralisation et surtout totalement opposé au projet initial d'un marché européen en provenance… de socialistes.
Alors tout est bien qui finit bien: historiquement la gauche est liberale, en 2016, elle l'est toujours si ce n'est plus.