Je vais devoir nuancer un peu les propos sur les inégalités salariales homme et femmes.
Il y a un phénomène statistique à prendre en compte (pris en compte par les instituts de statistiques évidemment mais le journalisme étant ce qu’il est, c’est le chiffre impressionnant et de préférence dans l’abstract que l’on va préférer).
Ce que l’on compare: plus l’on inclut de critères pour établir que deux situations sont identiques, et plus l’on réduit le nombre de comparaisons (pas bien) mais l’on réduit la variance non-expliquée (bien) ; jusqu’à une certaine limite puisque avec trop de critères on aura pas assez de comparaisons pour faire un échantillon représentatif et là, c’est tout le modèle qui devient non-testable. Moins l’on prend de critères et plus il sera facile de considérer deux situations comme similaire et donc de les comparer pour faire ensuite une moyenne des différences observées entre ces différents couples ; cependant on fait également augmenter mécaniquement les différences observées en faisant augmenter la variance non-expliquée qui n’est pas nécessairement signe d’une discrimination.
Pour illustrer ce point, il y a plusieurs exemples. Le chiffre donné de 30% de différence de salaire net s’explique par plusieurs facteurs qui ne sont pas nécessairement liés à de la discrimination directe. En particulier, l’INSEE nous apprend qu’elles travaillent en moyenne 13% de moins que les hommes en temps (en plus d’être payé 18% de moins en moyenne), moins de jours travaillés, moins d’heures supplémentaires. source
L’autre exemple bien plus important, c’est que lorsque l’on prend en compte énormément de facteurs, incluant la taille de l’entreprise, un découpage plus fin des postes, des heures travaillées, des conditions de travail, le type de contrat, la part non-expliquée de la différence de salaire tombe à moins de 10%. Dans ces 10% se cache une partie non-expliquée qui ou expliquée par de la discrimination pure.
Ce qu’il faut retirer de cela, c’est qu’en soit on peut prendre n’importe quelle variable discriminante (au sens mathématique) et observer des différences entre les groupes discriminés par celle-ci. On pourrait très bien plutôt étudier les discriminations liées à l’âge. En soit ce n’est pas tant la différence entre les groupes qui importe que 1) de trouver les principaux facteurs (et ce n’est pas facile, d’autant qu’il n’y a pas qu’une solution) i.e. ceux qui expliquent majoritairement cette variation 2) amorcer une réflexion sociale - et là les mathématiques ne sont pas d’un grand secours - sur quels sont les facteurs tolérables, neutres, ou intolérables.
Dans le cas présent, même si l’on s’accorde sur un facteur simple pour une rémunération juste du type on doit payer proportionnellement à la valeur ajoutée marginale du salarié (c’est à dire combien il apporte au CA de son entreprise grosso modo, soit sa productivité horaire multiplié par le nombre d’heures travaillées), et bien, un critère comme le fait qu’en moyenne les femmes travaillent moins n’est pas un facteur intrinsèquement discriminant dans le salaire. J’ai fais exprès de prendre ce critère parce qu’il est plus neutre que souhaitable ou tolérant: en effet la vraie question n’est plus celle du salaire, mais celle de savoir pourquoi les femmes travaillent moins (est-ce par volonté et liberté ou simplement par des pressions sociales qui les obligent à négliger leurs carrières ?). Bref, on déplace le problème mais au moins on cerne bien mieux les contours des différentes problématiques sur lesquelles travailler efficacement.
D’où ce pavé qui ne va ni dans le sens d’un affolement au vu d’un écart annoncé de 30% (alors que la législation de plus en plus contraignante va dans le bon sens: les entreprises doivent fournir des plans détaillées de leurs actions en vu de réduire les inégalités salariales de ce que je sais - ce qui mécaniquement aide à la transparence et à prendre les bonnes décisions), ni dans le foutage de gueule de la position inverse (comme je viens de le montrer, il y a à minima une discussion d’ordre sociétale à avoir).
J’ajoute un dernier élément qui cette fois n’est pas pris en compte à ma connaissance dans le panel étudié: en France la part totale des emplois publics dans la population active s’élève à 25,7%. Or, dans ces métiers là, il y a des grilles de salaires qui font que si discrimination il y a, elle n’est pas faite sur le salaire à poste égal (il faudrait regarder à la loupe les progressions de carrière mais c’est très difficile à faire).
On retire tout de même un quart de l’échantillon qui peuvent être soumis à une discrimination lié au sexe. Il faudra également retirer tous les entrepreneurs qui vivent directement de leur vente. Je pense aux artisans du type boulanger: personne ne sort d’une boulangerie sans avoir rien acheté parce que la boulangère est une femme. J’ose espérer tout du moins. Mais sous cette hypothèse raisonnable, il ne peut pas non plus y avoir de discrimination au sexe.
Mon avis de Kommunist Fried Chicken, c’est que l’un des facteurs qui à lui seul explique le plus les différences de salaires entre homme et femmes, c’est le facteur du salaire et donc de la position sociale (source). La progression ne souffre d’aucune exception: plus l’on fait partie du décile le mieux rémunéré et plus il y a des écarts de salaires homme-femmes. La question est de savoir pourquoi les femmes qui réussissent le mieux (en tout cas au niveau du salaire) sont les plus discriminées ? Je pense que l’explication est à chercher du côté des travaux de Piketty sur l’estimation de la productivité marginale. Il nous dit que plus l’on est haut dans la hiérarchie et plus les tâches sont abstraites, et les employés moins interchangeables. Il est dès lors très difficile d’estimer leur productivité marginale (alors que pour les ouvriers c’est facile: on compte, chronomètres, alterne les ouvriers, etc.). Dès lors, et comme ce sont ces même employés qui décident de plus en plus de leur salaires, il n’y a pas de vraie contrainte ou de compte à rendre: on peut prétendre n’importe quoi et en particulier, on dehors de toute contrainte juridique, on peut parfaitement discriminer les femmes et inventer un prétexte sur la productivité marginale pour le justifier. Bref, comme d’habitudes, les oppresseurs sont toujours la même classe sociale.