Il est inutile de présenter le Périphérique de Paris à tous les franciliens qui fréquentent Zeste de Savoir. Cette rocade routière fait le tour complet de la capitale, alternant de 2x4 voies dans sa grande majorité à 2x3 voies, voire 2x2 voies dans le sud, et est en correspondance avec six autoroutes (A1 nommée « autoroute du Nord », A3 offrant une liaison entre l’A1 et le périphérique par l’Est parisien, A4 nommée « autoroute de l’Est », les deux branches de l’A6, « l’autoroute du Sud » ainsi que l’A13, « l’autoroute de l’Ouest / autoroute de Normandie ») et une nationale (la N13, donnant accès à l’A14, qui offre une liaison vers La Défense puis l’A13 par le Nord-Ouest parisien).
Cependant, le Périphérique est très fréquenté et très régulièrement embouteillé. Wikipédia nous indique, par exemple, que certains tronçons supportent plus de 250.000 véhicules / jour. Les échangeurs des portes de La Chapelle, Bercy et Bagnolet sont régulièrement saturés, tout comme l’A6 et ses deux branches, surtout que le nombre de voies se réduit de 2x4 à 2x3 voire 2x2 voies. Avant même son bouclage en 1973, il est déjà envisagé de le délester par une nouvelle rocade, située plus loin de Paris : l’A86 ou super périphérique.
Celle-ci, achevant de faire le tour complet de la région en 2011 avec l’ouverture du Duplex, est visible sur la carte précédente. Elle souffre néanmoins de nombreux défauts, qui la rende pour certains automobilistes toujours moins attractive que le Périphérique, quand bien même celui-là serait plus embouteillé et quand bien même le conducteur ne se rendrait pas dans Paris même. Ce billet va en examiner quelques-uns.
Différence de contexte
Une des différences majeures tient déjà à l’environnement géographique dans lequel les deux rocades ont été construites. Paris a développé le Périphérique sur les anciennes fortifications, qui étaient des terrains inconstructibles. Cela a laissé beaucoup de place pour développer une rocade de 2x4 voies.
L’A86, quant à elle, a été développée au sein d’un tissu urbain déjà dense, dans la petite couronne et en suivant, globalement, l’itinéraire de la N186, une nationale aux caractéristiques routières classiques et avec beaucoup de constructions sur son long. Cela limite donc la place disponible et contraint l’itinéraire plus que dans le cas du Périphérique.
Tronc commun à des radiales
Le Périphérique est totalement séparé des autres voies de Paris et de banlieue. Il ne partage aucune section commune avec une autre autoroute ou nationale.
L’A86 est bien différente. La section Est est remarquablement chargée aux heures de pointes sur les tronçons communs A86-A3 et A86-A4 parce que deux autoroutes se joignent en une, avec réduction du nombre de voies et l’immanquable cisaillement des voies.
Avec l’A3
Du côté de la jonction A3 Nord - A86 Ouest, le cisaillement est manifeste sur l’image ci-dessous.
Au moment de la jonction, l’A3 possède 3 voies (en vert) et l’A86 en possède deux (en rouge). Au moment où elles se séparent de nouveau, l’A3 a été réduite à deux voies, les deux les plus à droite. L’A86 occupe deux voies toujours, mais en décalage : la dernière voie (en bleu), la plus à gauche, est en direction de la N302. Le cisaillement se produit donc entre ceux de l’A3 souhaitant rejoindre l’A86 et ceux de l’A86 qui veulent continuer dessus ou passer sur l’A3.
Je ne mettrais pas d’illustration, mais la situation inverse se produit lors de la jonction A3 Sud - A86 Est, avec deux autoroutes à deux voies passant respectivement à trois voies et deux voies. La voie de gauche de l’A86 devient donc la voie la plus à droite de l’A3. Quant à la voie tout à droite, venant de la N302, elle devient la voie de droite de l’A86. Cela produit également de nombreux cisaillements.
Avec l’A4
Sans doute encore pire que le tronc commun avec l’A3, celui avec l’A4 cristallise les défauts puisque se mêlent, à l’échangeur, les flux de l’A86, de l’A4, qui est l’une des autoroutes les plus chargées de France à cet endroit, et la desserte locale des deux rives de la Marne.
D’abord, commençons par l’A86 venant du Nord. Depuis que nous avons quitté l’A3, nous sommes sur deux voies, ce qui continue jusqu’à environ un kilomètre de l’échangeur même. Là, nos deux voies se séparent entre, à droite, la sortie vers Nogent-sur-Marne et à gauche la voie vers l’A4 direction Paris. Seulement voilà, beaucoup de conducteurs non habitués restent sur la file de droite avant de se rendre compte que ce n’est pas la bonne et ensuite se rabattent, parfois violemment, sur la file de gauche, ce qui entraîne des ralentissements.
La sortie vers Nogent-sur-Marne provoque elle-même de nombreux embouteillages car une seule sortie draine vers le pont de Nogent le trafic de l’A86 vers la voirie locale côté Nogent, la voirie locale côté Champigny et les utilisateurs souhaitant rejoindre l’A4 direction Province. Voilà une photo représentant parfaitement ce qui se passe souvent au niveau de ce pont.
La situation n’est pourtant pas plus glorieuse pour les usagers de l’A86 allant vers l’Ouest, même s’ils ne passent pas sur le pont. Comme pour l’A3, l’A4 passe de trois à deux voies, ceux sur la voie tout à droite se retrouvant donc sur la voie de gauche de l’A86, ce qui entraîne des cisaillements dans les deux sens.
Échangeur avec les autres voies majeures
Si le Périphérique possède des échangeurs complets avec toutes les autres autoroutes et nationales qui s’y lient, ce n’est pas le cas de l’A86. Certains échangeurs sont incomplets et demandent donc de passer par la voirie locale, ce qui peut être un facteur aggravant d’embouteillages. Notez que je ne détaillerai que les échangeurs visibles sur la carte du début, pas toutes les sorties locales, quand bien même certaines sont particulièrement bien faites.
Avec l’A1
L’A1 est une autoroute très fréquentée, très chargée et un point de passage vers Paris pour la grande majorité des automobilistes en provenance de l’A15. Cette dernière autoroute se termine en effet à son échangeur avec l’A86, donc tout ceux qui en viennent pour aller à la capitale se retrouve sur l’A86 et prennent bien souvent l’A1.
Or, il n’y a aucune liaison directe entre l’A86 venant de l’Ouest et l’A1 venant du Nord et allant vers Paris. Un flux très important de véhicules va donc sortir à Saint-Denis et emprunter les N410 et N412, et si l’A1 se trouve déjà bouchée, les embouteillages vont très rapidement déborder sur la voirie locale.
À noter que la même situation se retrouve pour ceux qui viennent de l’A1 Sud et qui veulent aller vers l’A86 Est. Le problème est néanmoins moins embêtant dans la mesure où l’on peut passer par l’A3 depuis l’A1 pour rejoindre l’A86 Est. Mais le problème se pose toujours si la sortie que veut prendre le conducteur est située entre l’A1 et l’A3, comme les sorties 11, 12, 13, 4 et 15 de l’A86.
Avec l’A3
Continuons dans le sens des aiguilles d’une montre et revenons à l’A3. Bien qu’impliquant des cisaillements, il est tout à fait possible de passer de l’A86 vers Est à l’A3 vers Paris sans problème, tout comme de l’A86 vers l’Ouest à l’A3 vers l’A1. Par contre, autres les situations ne sont pas toutes possibles sans passer par la voirie locale, dont la N186.
Rejoindre l’A3 vers l’A1 en venant de l’Ouest de l’A86 n’est pas trop compliqué. Il suffit de prendre la sortie 15 et de suivre la N186 jusqu’à l’A3 (en bleu sur la carte ci-dessous). Cependant, cette section inclut au moins un feu, à cause d’un croisement avec la ligne 1 du tramway. L’itinéraire peut donc être ralenti. De même, rejoindre l’A86 vers l’Ouest depuis l’A3 vers Paris implique de reprendre la N186, mais sans feux cette fois (en vert). Reste que la situation est moins idéale qu’une voie dédiée, puisqu’elle se mêle au trafic local.
Depuis l’A3 Sud, pour rejoindre l’A86 Est, la situation est plus simple, il y a une voie dédiée.
Avec l’A4
Je ne vais revenir dessus, j’ai détaille plus haut. Par contre, ceux intéressés par l’aménagement futur prévu peuvent chercher sur Internet. Voilà néanmoins deux images tirées de ce site.
Avec la N406
LA N406 est une courte voie rapide du Val de Marne, mais qui possède pourtant un échangeur complet avec l’A86. À noter qu’elle date des années 1980 et a donc été construite après l’A86. C’est néanmoins le premier échangeur complet que nous voyons depuis le début de notre parcours et cela mérite d’être noté.
Avec l’A6
Cet échangeur est un peu particulier et pour deux raisons.
- Il permet des correspondances avec l’A6b mais pas l’A6a.
- Une partie de l’échangeur se fait entre l’A6b et l’A86 mais l’autre partie entre l’A6b et une voie rapide nommée … N186.
Il est plutôt complet . Il manque cependant la liaison entre l’A86 venant de l’Ouest et l’A6b vers le Nord, ainsi qu’entre l’A6b depuis le Nord et l’A86 vers l’Ouest et la N186 vers l’Est, forçant les gens à emprunter la D165 et mélangeant le trafic de l’autoroute à la desserte locale.
Par contre, la jonction entre la voirie locale, dont la D86, et les autoroutes est assez complexe, avec une forte présence de feux et, à n’en pas douter, des ralentissements conséquents en heures de pointe.
Avec la N118
Parlons maintenant de l’échangeur avec cette nationale si bien connue des Francilliens pour son profil sinueux et les blocages qu’elle engendre avec un peu de neige. L’échangeur est lui aussi incomplet.
Depuis l’A86 à l’Ouest, l’échangeur est incomplet et l’on ne peut prendre la N118 que vers le Nord. De même, depuis la N385, la voie rapide qui prend le relai de l’A86 à l’Est, on ne peut rejoindre directement la N118 que direction Paris. Pour rejoindre le côté opposé, il faut sortir de la voie rapide et prendre la D986, ce qui implique plusieurs feux.
Du point de vue de la N118, aller sur l’A86 à l’Ouest est possible que l’on vienne du Nord ou du Sud. On peut également, depuis Paris, rejoindre la N385 vers l’Est, mais pas depuis le Sud de la N118, sauf à prendre une sortie et rejoindre la nationale plus loin.
En fait, seule la voie de la N118 depuis le Nord offre des correspondances avec l’A86 dans les deux directions.
Avec la N12 et le Duplex
L’échangeur à cet endroit est complet car la N12 est en fait le prolongement de l’A86, et chacune des voies tant de la N12 que de l’A86 offre une correspondance avec le tunnel de l’A86 nommé le Duplex.
Avec l’A13
Cet échangeur se trouve en souterrain et dans un tunnel à péage, mais est complet, puisque on peut rejoindre les deux directions de chaque autoroute, peu importe d’où l’on vient. L’image suivante est quelque peu complexe car, en réalité, les voies du Duplex sont situées l’une sur l’autre.
Avec l’A14
Sortons du Duplex, continuons vers le Nord et nous arriverons à l’A14. Deux liaisons manquent à l’appel : impossible de rejoindre directement l’A86 vers le Sud quand on roule sur l’A14 depuis l’Ouest, pas plus qu’on ne peut rejoindre l’A14 vers l’Ouest quand on va vers le Nord de l’A86.
Avec l’A15 / N315
Terminons notre tour avec l’A15 et la nationale qui la prolonge jusqu’à Clichy, la N315. Si l’échangeur est complet entre l’A15 et l’A86, ce qui soit dit en passant est bénéfique car l’A15 se termine ici, il n’en est pas de même pour la N315. Celle-ci est accessible depuis l’A15 et inversement. Par contre, seuls ceux venant de l’A86 Ouest peuvent rejoindre la N315 directement. Ceux venant de l’A86 Est doit prendre la sortie précédente et relier la nationale par la voirie départementale. Il en est de même pour ceux venant de la N315 et souhaitant rejoindre la N315 à l’Ouest.
Par contre, ceux voulant se rendre à l’Est vont rencontrer des difficultés puisqu’il n’y a aucun entrée à proximité immédiate. Il faut passer par les D911 et D986. L’image suivante illustre bien les différents échanges possibles.
En résumé
Bien sûr, la qualité d’une autoroute ne se résume pas à ses échangeurs. Mais il est certain que l’absence de certaines jonctions nuit à la circulation puisque celle-ci se reporte sur la voirie adjacente, ce qui peut dégrader les conditions de circulation et la vie des habitants.
De tous les échangeurs « majeurs », la plupart ne sont pas complets. De tout ceux que nous avons analysé, seul ceux avec la N406 et l’A13 sont complets, bien que ce dernier soit dans une section payante et à gabarit limité.
Le Duplex
Justement, parlons de ce fameux tunnel, à l’Ouest de l’A86, appelé le Duplex car les deux voies de circulation sont superposées dans un seul tunnel monotube. Celui-ci a bouclé l’A86 lors de son ouverture en 2011, mais n’est pas exempt de défaut.
Il faut savoir que le bouclage à l’Ouest a longtemps rencontré de l’opposition des villes traversées ou environnantes, opposition qui existe toujours par rapport au bouclage de la Francilienne, la troisième rocade autour de Paris. La plupart de ces villes ont une population aisée, des forêts et des espaces naturels étendus et ne veulent donc pas voir leur qualité de vie baisser par une autoroute au trafic extrêmement dense. Afin de financer ce tunnel, une concession a été réalisée et celui-ci est donc payant.
Si le côté payant n’est pas forcément dissuadant pour certains utilisateurs, notamment les poids-lourds, le gabarit du tunnel l’est : limité à deux mètres, le tunnel est interdit de facto aux camions. De plus, celui-ci est interdit aux motos. Ces deux catégories sont donc obligées d’emprunter l’ancien itinéraire d’avant l’ouverture du tunnel, c’est à dire passer par la N186 ou la N12 + A12 + N186.
Cette section de l’A86 ne remplit donc pas son rôle de super périphérique puisque elle discrimine une bonne partie des usagers par des contraintes techniques. Un autre tunnel est prévu, de taille suffisante pour les poids-lourds, mais il est loin d’être à l’ordre du jour.
Une autoroute qui n’en est pas toujours une
L’A86 ne fait pas vraiment le tour de la région si l’on prend le mot « Autoroute » au pied de la lettre. En effet, dans sa section Sud, elle devient N186 ou N385, une voie rapide et donc n’a plus exactement les caractéristiques d’une autoroute.
Ce changement n’est quasiment pas indiqué sur les panneaux. Ce qui peut amener à des incompréhensions de la part de gens qui ne connaissent pas et qui se retrouvent sur la nationale alors qu’ils pensaient rouler sur l’autoroute. Cela semble être parce que, dans les années 1970, avant la création de l’a86, une partie de la N186 a été transformée en voie rapide. Quand l’A86 a vu le jour, on l’a connectée à la voie rapide existante sans la mettre aux normes autoroutières.
D’autres raisons se retrouvent quand on creuse sur les forums.
- Une entrée par la gauche depuis la D906 vers la N385.
- Absence de bande d’arrêt d’urgence.
- Entrée / sortie par voie d’entrecroisement très courte.
- Sorties ou entrées très serrées.
D’autres sections, dont certaines au Nord, sont sans bande d’arrêt d’urgence, ce qui peut entraîner, expérience vécue, 30 min d’embouteillages pour 3km à cause d’une voie fermée pour cause de panne.
En conclusion
Ne nous mentons pas, l’A86 rend beaucoup de services et est d’ailleurs un parcours obligatoire dans quasiment tous mes trajets vers Paris. Mais cette autoroute souffre de défauts que n’a pas le Périphérique (sauf l’absence de bande d’arrêt d’urgence).
Ceci s’explique sans doute par les conditions entourant sa naissance. Si le Périphérique est né dans les années 1960, à l’époque du tout voiture, à l’époque où l’on disait de la ville qu’elle devait s’adapter à la voiture, l’A86, elle, a majoritairement été développée après le choc pétrolier de 1975, dans un contexte économique moins favorable et où l’on prenait de plus en plus compte des problèmes environnementaux et de santé causés par la pollution.
Certains points ne seront jamais corrigés, ou alors seulement à très long terme, car les investissements sont lourds et ceux concernant les autoroutes ne sont plus forcément aussi bien vus à l’heure de réflexions environnementales. Comme pour le Périphérique, l’A86 d’aujourd’hui n’évoluera quasiment plus.