L’année dernière, une nouvelle espèce d’Homo a été découverte, Homo naledi. Mieux, cette espèce a été très récemment datée. Après une courte contextualisation générale, nous verrons ce que cette espèce a de particulier, les conséquences de sa datation, avant de discuter des conséquences que cela a sur notre compréhension de la buissonnante lignée humaine.
Avant-propos : le buisson de la lignée humaine
Vous n’êtes pas sans savoir que nous, Homo, sommes des primates, proches cousins donc des autres primates, comme les chimpanzés (vraiment proche) ou les lémuriens (moins proche). Mais je parle là des espèces de primates existant encore, on peut regarder les primates disparus. Et en particulier les Homo disparues. Les plus proches cousins de l’Homme moderne (Homo sapiens1) sont les autres représentants du genre Homo (neanderthalensis, habilis…) et du genre Australopithecus (afarensis2…).
Ces espèces humaines ont pu se suivre (Neanderthalensis afarensis est antérieure à Homo erectus), exister de manière concomitante mais sur des continents différents(Homo erectus en Asie et Homo ergaster en Afrique existaient tous deux entre -2 et -1 millions d’années) ou cohabiter en même temps dans la même zone géographique (Homo sapiens et Homo neanderthalensis, en Europe, entre -40 000 et -30 000).
On parle d’une lignée buissonnante, par opposition à une ligne droite. De nombreuses espèces humaines ont existé et coexisté.
Homo Naledi, la découverte
La découverte des ossements de Homo naledi, faite en 2013, a été dévoilée en septembre 2015. Elle a eu lieu en Afrique du Sud, dans une grotte très peu accessible. On parle de 1500 ossements appartenant à une quinzaine d’individus (ce qui en fait déjà une découverte rare), d’une espèce d’Homo non connue, et qui présente des traits archaïques1 (ce qui en fait une découverte exceptionnelle).
Les os nous disent deux choses : primo, il s’agit de représentants d’Homo (on le sait par la denture, la forme du corps et des pieds), secundo, ils sont petits et ont un tout petit crâne (plus petit que celui des chimpanzés, soit le tiers de celui d’un Homo sapiens moyen), ce qui les rapproche plus des Australopithecus. Notons que la morphologie des mains laisse à penser que cette espèce s’accrochait aux branches, et celle des pieds et du corps qu’elle était bipède.
Bon. Humain archaïque présentant des traits modernes, ou humain moderne présentant des traits archaïques ? Nous avons là une découverte stupéfiante. Et je n’ai parlé ici de l’hypothèse selon laquelle la grotte, peu accessible, dans laquelle les ossements ont été trouvés aurait été un tombeau. C’est une hypothèse, accréditée par l’absence d’ossement d’animaux ou d’outils, mais qui est loin de faire consensus au sein de la communauté scientifique.
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J’ai bien écrit « archaïque », et non ancien, mais je suis aidé par l’actualité récente. ↩
La datation
Il aura fallu attendre le mois de mai 2017 pour avoir le droit à une datation des ossements (rendue complexe par le lieu de découverte). Ils auraient entre 200 et 300 000 ans. C’est peu, très peu. Les Australopithecus ont disparu il y a environ 2 millions d’années ; 200 000 ans, c’est contemporain de Homo neanderthalensis !
Si les dates sont confirmées, on aura là une découverte majeure. En effet, elle appuierait plus encore sur le côté buissonnant de la lignée humaine : non seulement de nombreuses espèces ont existé, sans que celles-ci soient nos ancêtres, mais en plus certaines espèces modernes présentaient des caractéristiques archaïques. Avec pour conséquence que la sélection naturelle peut donc aboutir à la diminution du cerveau d’une espèce.
Si cela n’a rien de transcendant dans le cadre de l’évolution (de nombreuses espèces ont eu des évolutions différentes suite à une séparation géographique, et l’évolution peut supprimer un caractère précédemment acquis) cela étonne lorsque l’on parle de la lignée humaine, pour laquelle le schéma global d’évolution consistait jusqu’ici à un cerveau de plus en plus gros (j’ai bien écrit global : le cerveau des neanderthalensis est plus gros que celui des sapiens), et autres caractéristiques modernes. De plus, le fait qu’il y ait eu sépulture serait nettement moins étonnant, puisqu’il s’agit d’un caractère moderne.
Tout cela nécessite encore confirmation : même si la datation a été faite selon deux méthodes différentes et indépendantes donnant des dates qui se recoupent, les méthodes sont complexes et avec de grosses barres d’erreur. De plus, plus une découverte chamboule nos connaissances, plus les preuves demandées sont fortes ; c’est le cas ici.
On savait qu’Homo naledi était un Homme avec des caractères primitifs, et d’autres modernes. On pense (mais là encore, cela manque de preuve) qu’il a pu pratiquer des rites funéraires (les ossements viendraient d’un tombeau). La datation apporte des éléments supplémentaires : on aurait affaire à un Homme moderne ayant conservé, ou réacquis, des caractères primitifs.
Parmi les conséquences que cela aurait, on peut citer le fait qu’il deviendrait hasardeux de dater de futurs fossiles à partir de leurs caractéristiques morphologiques (ce qui se faisait jusqu’ici), puisque celles-ci ne seraient pas systématiquement liées à l’âge de l’espèce.
Une affaire à suivre, donc.
Sources
- Deux articles de François Savatier sur Scilog, écrit avant la datation (2015, 2016) ;
- Un article de blog de Janlou Chaput ;
- RFI ;
- un blog du nouvel Obs, intéressant en particulier par le fait qu’il fasse fausse route sur les dates (non connues à l’époque) ;
- l’article originel, en anglais, et fichtrement complexe.
Remerciements
Je souhaiterais remercier Goeland-croquant, blo yhg et Arius pour leur relecture lors de la bêta, et Holosmos pour la validation.