Magasins : mise à disposition d'équipement scientifique

La nuit dernière, peu après minuit, le sénat a confirmé le vote de l'assemblée nationale, et par une loi qui sera promulguée dans les 15 jours et publiée au prochain Journal Officiel, les grandes surfaces de plus de 4000 mètres carrés seront obligées de mettre à disposition de leurs clients un mini-laboratoire dès le 1er septembre.

Retour sur les raisons et les dispositions obligatoires de la loi.

Les raisons de la loi

De plus en plus, les consommateurs sont soucieux de ce qu'ils mangent, portent, ou laissent dans leur maison. Les législations et autres règles se sont durcies. Depuis le 8 mai 2012, l'étiquetage de la composition des produits textiles est obligatoire. Depuis le 18 mars 2016, un client qui verrait un défaut de conformité dans un produit peut le retourner pendant 2 ans. Pour les denrées alimentaires, l'origine, la composition (ingrédients et fraction de ces ingrédients) et les allergènes doivent, entre autres, figurer sur l'étiquette. Ces règles sont rappelées, parmis beaucoup d'autres, sur le site de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

Les associations de consommateurs se sont calmées pendant un moment. Cependant, les scandales ont continué à éclater, et devant l'impossibilité technique de contrôler tous les produits un par un, l'idée de la loi a germé.

En effet, comment redonner confiance à des clients floués à de nombreuses reprises, sans pouvoir y allouer plus de moyens humains ? La réponse semble maintenant évidente : en les impliquant dans le processus de contrôle.

Différentes idées ont depuis été mises en avant, dont celle d'une commission d'enquête citoyenne. Cette dernière a été rejetée, pour éviter qu'une fois de plus, les français se sentent exclus des décisions au bénéfice de quelques personnes. À la place, les grandes surfaces seront tenues de mettre à dispositions de leurs clients un certains nombres d'appareils de mesure, pour qu'ils puissent vérifier eux même la qualité des produits. Les petits commerces en sont dispensés, étant donné le coût du dispositif.

Plusieurs points peuvent être mentionnés.

  • La loi ne s'applique pas aux petits commerces, mais puisque les produits vendus sont les mêmes, ils devraient bénéficier quand même du contrôle effectué.
  • La loi s'inscrit dans un plan plus global de simplification. Quand ces tests seront entrés dans les mœurs, il sera possible de réduire l'étiquetage, voire la publicité, puisque la qualité des produits sera clairement identifiée.
  • D'après la loi un technicien devra être présent pour aider les clients. Même avec cette aide, un petit rappel de l'utilité des machines et de comment les utiliser ne fera pas de mal, et c'est ce que nous allons voir maintenant.

Les différents équipements

Les députés et sénateurs n'ayant pour la plupart pas de connaissances scientifiques, ils se sont contentés de suivre les recommandations de professionnels quant aux tests qui devraient être accessibles aux clients. Les équipements imposés sont ainsi relativement limités, mais suffisamment simples d'utilisation pour que tout le monde puisse les essayer. Les voici, en ordre arbitraire.

Le test Charpy

Bien souvent, les fabricants trichent sur les matériaux utilisés, que ce soit pour faire baisser les coûts en matières premières ou en outillage. En effet, rares sont les clients capables de reconnaître une table en chêne d'une table en merisier, ou de savoir si leur chocolat est dans la délicieuse phase $\beta\prime$ ou dans la phase $\alpha$, beaucoup plus facile et rapide à obtenir puisqu'un recuit n'est pas nécessaire, mais beaucoup moins goûteuse.

Une solution rapide pour déterminer ça peut être d'utiliser un test Charpy. Ce test permet de mesurer l'énergie nécessaire pour obtenir une rupture du matériau. Cette énergie dépend bien entendu du matériau, et des tables de valeurs seront fournies, afin de savoir si le fabricant est honnête.

Pour expliquer brièvement le fonctionnement, une sorte de marteau lesté dont le déplacement ne peut n'être que circulaire est laché depuis une hauteur connue. L'échantillon à tester est transpercé, mais sa rupture nécessite de l'énergie, prise au marteau. Celui-ci va donc remonter, mais à une hauteur moindre que celle initiale. En utilisant la différence entre les énergies potentielles de pesanteur initiale et finale, il est possible de savoir l'énergie qui a été nécessaire pour la rupture de l'échantillon. À partir de cette énergie, il est possible d'identifier le matériau, ou au moins d'identifier quels matériaux ce n'est pas.

$$ K=mg(h-h\prime) $$

où K est l'énergie de rupture, m la masse du marteau, g l’accélération terrestre et $h$ et $h\prime$ les hauteurs initiale et finale.

Le test Charpy

Le test Charpy. Auteur inconnu. Licence CC-BY-2.5

Le spectromètre et le réfractomètre

Le réfractomètre

Le réfractomètre, comme son nom l'indique, va mesurer l'indice de réfraction d'un milieu. Cet indice est calculé en mesurant la déviation d'un rayon lumineux en changeant de milieu. Le milieu de référence est l'air, qui a un indice égal à 1.

Cet indice de réfraction va dépendre de la fraction de matière sèche dans le produit, c'est à dire de la fraction de matière restante si on enlève toute l'eau. En quoi est-ce utile pour nous ? Et bien si on prend un jus de fruit, on sait que l'essentiel de la matière sèche est du sucre. On peut donc mesurer le taux de sucre dans le jus ou dans un coulis. De la même manière, on peut déterminer si une soupe sera nourrissante ou si c'est juste de l'eau aromatisée.

Le spectromètre de masse

C'est certainement l'outil le plus puissant que la loi oblige à mettre à disposition.

Le spectromètre de masse permet l'analyse de la composition d'une substance. En particulier, il permet de savoir quels éléments sont présents, en les séparant selon le ratio de leur masse et de leur charge.

La première étape est de bombarder la substance avec des électrons, pour créer des ions. Ensuite, ces ions sont accélérés et sont envoyés dans un champ électromagnétique. Selon leur masse et leur charge, ils vont être déviés d'une certaine manière, qui sera enregistrée. Selon l'intensité enregistrée, il est possible de se faire une idée du pourcentage des différents composants, mais la corrélation est faible, et les résultats seront au mieux qualitatifs. Le but du spectromètre est de détecter la présence de matériau, pas plus.

Les produits chimiques

Détecter la présence de plomb

Le plomb est encore présent, dans de nombreux produits cosmétiques par exemple. Une manière simple de le détecter est de mélanger ce produit avec de l'eau, et de rajouter un peu d'une solution de iodure de potassium. Si il y a du plomb, un précipité jaune de iodure de plomb se formera. Afin d'être encore plus sûr, on peut faire bouillir pour observer la résolution de ce précipité, et qu'il se forme à nouveau en refroidissant.

$$ Pb^{2+} + 2KI \rightarrow \underset{\searrow}{PbI_2}+2K^+ $$

Il est intéressant aussi de noter que le plomb peut être détecté avec le spectromètre, et que si il est sous une forme non soluble dans l'eau, il peut être compliqué de le faire. En effet, le sulfure de plomb et le sulfate de plomb, par exemple, nécessiteront un traitement avec de l'acide nitrique, qui ne peut évidement pas être laissé en libre accès dans les magasins.

Détecter la présence de mercure

Le mercure a été beaucoup utilisé dans les mines, et de nombreux produits pourraient être contaminés. Il arrive encore d'en avoir des traces dans l'eau. Le problème, c'est que même à très faible concentration, le mercure est très dangereux pour les humains. L'idée sera de créer une solution aqueuse avec le produit à vérifier, et d'y ajouter de la rhodamine. En réagissant avec le mercure, la solution aqueuse va devenir violette. La réaction sera cette fois plus compliquée, et ceux d'entre-vous qui seraient intéressés sont invités à aller lire par ici et par .

Sécurité

Jouer avec des produits chimiques peut être dangereux. L'article 7, alinéa 12 de la loi mentionne que pour faire ces tests, une formation d'une demie-journée sera obligatoire, ainsi que la présence du technicien. Le port de lunettes de protection ainsi que d'un masque est également obligatoire.

Utilisation de bactéries

Pour détecter certains produits toxiques, tels que l'arsenic, il est possible et raisonnablement simple d'utiliser des bactéries. En effet, en mettant certaines bactéries (Scherichia coli, Bacillus subtilis, Staphylococcus aureus par exemple) en contact avec de l'arsenic, celles-ci vont se mettre à produire une protéine spécifique. Cette protéine est qualifiée de "rapporteuse", puisque c'est celle-ci que l'on va détecter. Pour plus d'informations, cet article détaille le processus.


Voilà, vous savez tout. Bientôt, vous pourrez tester votre fond de teint et votre lait avant de les acheter ! Il vous reste encore quelques mois pour vous mettre à niveau en suivant les tutoriels de ZdS et en posant vos questions !

24 commentaires

Enfin la mesure que les ultralibéraux appelaient de leurs vœux ! En augmentant la concurrence sur le marché de la sécurité des consommateurs, cela permettra de faire baisser les prix pour les industriels sans pour autant nuire à l'assurance-qualité. Ainsi, le consommateur aura accès à des produits moins cher, avec la possibilité de choisir lui-même s'il souhaite payer plus pour savoir ce qu'il achète. Cela va sans dire qu'on pourrait appliquer cela à d'autres domaines, tels que la santé.

On pourrait d'ailleurs ensuite encourager les gens à partager leurs données et avoir un système citoyen et ouvert basé sur le big data, sur le mode du crowdsourcing. Comme ça, on disposerait de beaucoup de données peu fiables, permettant d'obtenir des résultats plus fiables que les données dont ils sortent, grâce aux algorithmes.

Le futur est en marche !

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Encore une demi-mesure. J'avais proposé, lors de la consultation public (dont ils n'ont pas beaucoup parlé d'ailleurs) que des synchrotrons soient ajoutés, afin de pouvoir réaliser des mesures de diffraction et de tomographie, mais malgré la très forte approabtion, ça a été refusé. On sent l'influence des lobbys de la grande distribution.

+6 -0

Pour le synchrotron, ils en ont parlé pendant les débats à l'assemblée. L'idée n'a pas été retenue parce que la surface et l'investissement nécessaires étaient trop importants. Il ont essayé de faire en sorte que tout rentre dans moins de 150 mètres carrés. Ils ont bien parlé de mutualiser les labos entre plusieurs grandes surfaces, mais on perdait alors l'avantage premier, de pouvoir analyser l'échantillon avant de l'acheter.

J'ai peur qu'avec le peu de formations scientifique de l'individu lambda ça pose problème. A moins que ça puisse, d'une certaine manière, permettre de vulgariser plus facilement certains concepts ? J'essaye de voir l'impact au delà du simple droit de l'utilisateur.

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Qwerty, il va y avoir un technicien pour aider, et s'assurer que tout se déroule en préservant la sécurité de tous. Après, je ne doute pas que quelques malin essaieront de faire un test Charpy de leur main, mais après être passé quelques fois au JT, les gens devraient arrêter.

Et comme mentionné dans l'article, pour les techniques les plus "dangereuses", il y aura une formation d'une demi-journée obligatoire.

C'est quand même pas mal tout ça. Après ça risque de prendre un peu de temps pour les gens qui font leur courses en ligne et qui doivent tout vérifier une fois arrivée au point de retrait (quoique dans un dépôt il y a sûrement plus de place pour avoir plus d'appareils que sur une surface commercial habituelle).

J'avais entendu parler qu'on pourrait aussi mesurer le galiper de certains produits, ça a été enlevé finalement ?

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