Bonjour à tous,
S’il vous est déjà arrivé de cuisiner, vous avez dû remarquer que de nombreux plats gonflent. Qu’il s’agisse de la mousse dans la casserole de nouilles, du pain, de nombreux gâteaux ou tout simplement des omelettes ou crêpes qui partent en montgolfières.
Nous verrons ici plusieurs exemples de plats qui gonflent. Pour chaque plat, après une recette de cuisine, nous chercherons à comprendre à l’aide d’explications physico-chimiques simples pourquoi les plats en question gonflent.
L’ile flottante
Recette
L’ile flottante est, en substance, une meringue dans de la crème anglaise. C’est la meringue qui gonfle ici (et le lait, si vous le faites déborder bouillir).
Pour cette recette, vous aurez besoin de
- un demi-litre de lait ;
- 6 œufs moyens ;
- 200 g de sucre ;
- de la vanille.
Séparez le blanc du jaune des œufs. Mélangez les blancs avec 100 g de sucre, et montez-les en neige. Ce qui se passe lors de cette étape sera détaillé dans la partie suivante.
Faites chauffer le lait, sans le faire bouillir. Mettez les blancs montés en neige dedans. Attention, il durcira lors de la cuisson : si vous voulez faire des portions, il faut les faire avant de mettre dans le lait. Laissez 2–3 minutes.
Ensuite, mélangez les jaunes et le reste du sucre. Incorporez le tout dans le lait. Laissez à feu doux, tout en remuant, quelques minutes.
Mettez la crème anglaise ainsi préparée sur les blancs d’œufs. C’est prêt.
Une histoire de petites bulles
Pour faire monter les blancs en neige, il faut les battre. Ce faisant, de l’air est incorporé dans le blanc. C’est grâce aux protéines d’ovalbumine présentes dans le blanc que l’air est piégé ; celles-ci sont des tensioactifs, c’est-à-dire des molécules avec une partie attirée par l’eau et l’autre attirée par le gras, mais repoussée par l’eau. Lorsque de l’eau et de l’air sont présents, la partie hydrophile va se mettre dans l’eau et la partie hydrophobe dans l’air, ce qui va stabiliser les bulles d’air dans le liquide. En effet les bulles sont entourées d’un film d’ovalbumine qui isole la bulle : pour que la bulle éclate, il faut d’abord rompre le film. Et cela oblige à mettre la partie hydrophobe des tensioactifs dans l’eau, alors qu’elle est justement repoussée par l’eau.
On comprend au passage pourquoi mettre du jaune d’œufs empêche la bonne montée du blanc : les tensioactifs sont plus attirés par le gras que l’air, et vont donc privilégier le jaune d’œufs, très gras, à l’air, réduisant d’autant les possibilités de créer des bulles d’air (et donc de faire de la mousse).
Si vous laissez les blancs en neige une journée, ils vont retomber en blancs d’œufs (les films finissent par se briser au bout d’un certain temps). Pour stabiliser le blanc en neige, il faut figer les protéines en les soudant entre elle (coagulation) typiquement en faisant cuire ou à l’aide d’un acide (jus de citron).
Des phénomènes similaires sont à l’œuvre si vous secouez du savon (bulles d’air emprisonnées par des tensioactifs, et injectées par une action mécanique). On trouve le même phénomène, associé aux émulsions, comme dans la mayonnaise (le tensioactif venant de lécithine dans le jaune, il s’associe à l’eau du jaune et au gras de l’huile).
Quelques sources
Physique : Un article de M. This, ou un cours de cuisine moléculaire.
Culinaire : Sur Tarte au citron.
Le soufflé
Recette
Pour cette recette (4 à 6 personnes), vous aurez besoin de
- 6 œufs ;
- 150 g de fromage (emmental, conté, mimolette…) râpé ;
- 60 g de beurre ;
- 60 g de farine ;
- 400 mL de lait ;
- du poivre, de la noix de muscade.
Dans une casserole, faites fondre le beurre à feu doux (gardez une noix de côté) ; ajoutez la farine et laissez cuire quelques minutes. Ajoutez le lait et portez à ébullition (en mélangeant, sinon, ça déborde). Enlevez du feu. Ajoutez les œufs, le fromage et les épices. Mélangez le tout.
Dans un plat préalablement beurré avec la noix de beurre, mettez la mixture préparée. Faites cuire entre 20 et 30 minutes dans un four entre 180 et 200 °C.
Servez dès la sortie du four, ça retombe un soufflé.
Et ça s’évapore
Comme toujours, l’idée est d’ajouter du gaz dans le soufflé. Cependant, le gaz ne vient pas ici de bulle d’air ajoutées mécaniquement, mais… de l’eau présente dans la pâte ! Rappelons que 1 kg d’eau liquide tient dans 1 L, alors que la même quantité d’eau gazeuse prend environ 1 m3 (soit mille fois plus). Vous me ferez remarquer, sceptique, qu’il y a de l’eau dans les tomates, mais que celle-ci ne gonfle pas pour autant. Vraiment ? Alors pourquoi leur peau éclate-t-elle ? Parce qu’elles ont trop gonflé. La grosse différence entre le soufflé et la tomate, c’est la quantité de gaz qui peut être incorporée (et par là la quantité de volume qui peut être acquise) avant de casser (laissant le gaz s’échapper).
Dans le cas du soufflé, c’est à la fois l’œuf qui coagule et le fromage qui forme une couche imperméable en fondant qui retiennent la vapeur eau. Lorsque le soufflé sort du four, il refroidit, ce qui diminue la quantité d’eau dans l’état gazeux, et donc le soufflé dégonfle. De la même manière, l’ouvrir provoquera un dégonflement immédiat.
Si vous avez déjà fait cuire des crêpes, peut-être avez vu certaines d’entre elles faire une étonnante bosse ? C’est le même phénomène. Il est aussi à l’œuvre dans les pâtes à tarte feuilletée, l’eau qui s’évapore restant bloquée entre deux feuillés. On le retrouve aussi dans les cannelés. Et le lait bouillant qui déborde (une couche de protéines coagulées empêche l’eau qui s’évapore de partir, donc ça gonfle puis déborde).
Quelques sources
Physique : Vous trouverez bien des informations sur les blogs d’Hervé This (1, 2), qui démonte au passage certaines affirmations (1, 2).
Culinaire : Sur Marmiton ou 750g.
Le quatre-quart
Recette
Pour 3 personnes,
- 150 g de farine ;
- 150 g de sucre ;
- 150 g de beurre ;
- 3 œufs (ce qui fait en gros 150 g d’œufs) ;
- un sachet de levure chimique ou une petite cuillerée à café de bicarbonate de sodium.
Vous pouvez mettre moins de beurre si vous trouvez ça trop gras.
Mélangez la farine, le sucre et la levure ou le bicarbonate, puis ajoutez les œufs, puis le beurre fondu en mélangeant continuellement. Beurrez un plat, mettez la pâte dedans et faites cuir à 180 °C pendant 45 minutes.
Vous pouvez ajouter pour changer des fruits, du jus de citron, de la vanille, de la cannelle…
La chimie à la rescousse
Si l’on ne peut ni ajouter du gaz mécaniquement, ni compter sur l’évaporation, ou qu’on souhaite faire plus gonfler, on peut utiliser de la levure chimique. Il s’agit typiquement de bicarbonate de sodium (ou hydrogénocarbonate de sodium, ou encore carbonate acide de sodium1), un composé basique.
La formule chimique du bicarbonate de sodium est NaHCO3. À haute température (plus de 100 °C), il se transforme en Na2CO3, CO2 et H2O ; ces deux derniers élément étant gazeux, des bulles vont se former. Lors de la cuisson, la pâte sera suffisamment molle pour gonfler, et suffisamment solide pour ne pas se rompre, d’où le gonflement du quatre-quarts.
Cependant, le bicarbonate va rendre la pâte basique, ce qui risque de donner mauvais gout au gâteau. Il faut donc soit limiter les quantités, soit ajouter un composé acide (jus de citron, phosphate disodique…).
On fait la même chose dans les madeleines.
Quelques sources
Physique : La page wikipédia associée ou un court texte de Futura science.
Culinaires : Vraiment ??
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Attention, le carbonate de sodium (sans acide) désigne un autre élément !
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Le pain
Recette
Pour un gros pain, vous aurez besoin de
- 1 kg de farine ;
- 300 mL d’eau ;
- de la levure (levure sèche ou levure de boulanger) ;
- du sel (10 à 20 g).
Mélangez la farine et le sel dans un saladier. Ajoutez progressivement la moitié de l’eau (si possible tiède ou chaude). Délayez la farine dans de l’eau, ajoutez à la pâte, puis ajoutez l’eau restante. Pétrissez énergiquement. La pâte ne doit être ni collante, ni trop sèche ; ajoutez de l’eau ou de la farine au besoin.
Laissez reposer à température ambiante sous un chiffon humide (à mettre sur le saladier qui contient la pâte, pas sur le pain, sinon, le lavage du chiffon va être compliqué) pendant 1 heure. La pâte double de volume.
Pétrissez à nouveau et placez sur un support pour le four. Si vous voulez former votre pain (une ou deux boules, une forme allongée…), c’est maintenant. Prévoyez de la place sur les côtés. Laissez reposer une heure de plus. Le pain double de volume.
Incisez les pains. Faites cuire 15 minutes à 240 °C puis 30 minutes à 200 °C. Le pain double encore de volume.
Laissez refroidir, puis dégustez.
Un monde de champignon
Pourquoi se fatiguer à incorporer de l’air dans notre pâte quand on peut faire travailler des champignons à notre place ? Le gonflement du pain provient de la présence de levures, des champignons microscopiques unicellulaires. Il s’agit plus précisément de Saccharomyces cerevisiae. Soit, mais comment ajoutent-ils de l’air dans la pâte à pain ?
De manière similaire à nous, les levures sont capables de respiration aérobie1. Cela leur permet d’utiliser l’énergie chimique des sucres ; lors de la transformation, de l’oxygène est transformé en dioxyde de carbone. Mais s’il n’y a pas d’oxygène ? Nous, humains, nous mourrons. Pas les levures : elles peuvent effectuer de la fermentation alcoolique (comportement anaérobie). Ce faisant, elles dégradent le sucre en dioxyde de carbone et en alcool et extraient de l’énergie au passage. Cependant, cette transformation est moins énergétique que la respiration, qui lui est donc préférée en présence d’oxygène.
Mais il n’y a pas d’oxygène dans la pâte, donc les sucres sont transformés en alcool (qui s’évaporera à la cuisson, rassurez-vous ) et en dioxyde de carbone, d’où le gonflement du pain.
Quelques sources
Physique : Sur Tout sur la levure2.
Culinaires : Sur Marmiton.
Comme vous avez pu le constater, derrière un même phénomène (le gonflement d’une pâte) qui parait simple peut se cacher de nombreuses choses. Il faut de manière générale du gaz emprisonné, ce qui nécessite d’une part un élément qui va durcir (typiquement, une protéine qui coagule, c’est ce qui arrive dans le blanc d’œufs, le pain ou les pâtes à gâteau) pour emprisonner le gaz, et un phénomène qui va ajouter du gaz. Il peut être mécanique, chimique (directement ou dû à des micro-organismes) ou encore venir de l’évaporation.
En espérant que ce tuto vous ait donné faim envie de regarder les choses qui vous entourent d’un autre œil.
Un grand merci à entwanne pour ses relectures lors de la béta et à Holosmos pour la validation.