Trois questions, admettons que tu te lance dans l'entrepreneuriat :
- Comment tu vas te valoriser par rapport à la concurrence (qui ont des mecs diplômés et très vraisemblablement plus compétents que toi, avec plus de connaissances (et pas uniquement théoriques), d'expérience) ou à tes entreprises clientes ? Parce que oui, même en informatique, l'école permet d'apprendre des choses qui ne sont pas amusantes mais particulièrement nécessaires pour un client dans un cadre contractuel.
- Comment vas-tu te valoriser auprès des candidats ? Il est faux de croire que c'est l'employeur qui choisit les candidats. Ils choisissent tout autant leur employeur ! Et je n'en connais pas beaucoup qui accepteraient de bosser pour un gosse de 18 ans.
- T'as l'argent, les connaissances en gestion et en droit, fisca, compta, etc. ? Créer une entreprise coûte un bras (les cotisations, les assurances, le salaire des employés + bonus, les impôts, tout ça coûte de l'argent et tu as intérêt à avoir un bon chiffre d'affaire, de bonnes recettes et le plus gros capital possible), 1/3 des nouvelles entreprises annoncent faillite ou reprise dans un délai de 5 ans, l'auto-entrepreneuriat n'est pas la panacée et il faut d'énorme notions de droit (règlementation du travail, sécurité sociale,…) de fiscalité, de comptabilité, etc. Il ne suffit pas d'aimer l'informatique et d'être positif sur le fait que l'un de ses projets "finira par réussir" (ça, c'est un manque de recul parce que même s'il réussit, il ne te permettra pas forcément de subvenir à tes besoins et à la survie de l'entreprise). Oh, et cherche pas pour un financement (que ce soit crowdfunding ou des moyens classiques), quelle banque va donner de l'argent à quelqu'un qui se lance dans le monde des sociétés sans bagage ? Qui va financer un projet alors qu'on peut - objectivement - soulever des doutes quant à la capacité d'en venir au bout ?
Si je me place dans la tête du chef d'entreprise lambda :
- Je ne négocierais pas avec toi, en temps qu'entrepreneur (et ce n'est pas mon esprit de juriste qui me fait dire ça, c'est ce que cherche tout patron) je recherche deux choses lors de la conclusion d'un contrat : des garanties (que le travail sera correctement organisé, que le cocontractant ait bien les moyens financiers, techniques et humains et connaissances nécessaires à sa réalisation) et un rapport qualité/prix/vitesse de réalisation qui me convient le plus possible. Pourquoi devrais-je me tourner vers toi, auto-entrepreneur par exemple, plutôt qu'une boîte avec 50 employés, 4x plus de références que toi pour le site de ma société/le développement d'une application ? Objectivement ?
- En tant qu'employé, si je me mets à la place du mec lambda, j'aurais du mal à bosser avec un mec bien plus jeune que moi comme patron et avec un bagage qui m'est inférieur. C'est le genre de choses qui remet en compte l'expérience. Tout le monde dit "ouais mais l'âge ou le bagage n'a pas d'importance", en théorie c'est vrai. Dans la pratique, l'employé dans une telle situation va d'office trouver ça bizarre et aura tendance à remettre les choses en question car il sera bien plus craintif des connaissances prétendues de son patron. Je choisis tout autant mon patron que lui me choisit et si j'ai des doutes sur ses compétences, je vais le tester. De la même façon qu'il le ferait dans le sens inverse.
- J'ai de gros doutes sur la capacité d'un jeunot à gérer et à développer une boîte alors qu'il n'a visiblement aucune expérience du monde du travail. Aucune connaissance en droit (et lire deux secondes les bases du droit fiscal, du droit des sociétés, du droit commercial ne suffira pas, peu d'employeurs ont réellement les connaissances "véritablement" nécessaires et ça se voit, mais ils ont globalement un certain bagage), en fiscalité, en comptabilité, en droit social et de la sécurité sociale, assurance, etc.
Bref, tu n'es pas prêt, même si tu te sens en confiance.
Sinon, je t'invite à continuer mais fonce même au master. Premièrement, les discussions et séminaires avec les professeurs sont bien plus libres au niveau universitaire. C'est ce qu'ils attendent. Ensuite, l'ambiance universitaire et les expériences qui vont avec sont généralement une part de la vie d'une personne qui mérite d'être vécue. Enfin, ça va te permettre de rencontrer des étudiants d'autres domaines, des entreprises (là où il y a des universités, il y a toujours quelques boîtes pas loin, c'est un moteur économique) mais surtout, ça va te permettre de te lancer dans un projet entrepreneurial avec d'autres étudiants (ex : société de développement logiciel que tu créerais avec d'autres étudiants en info, un en droit, un en commerce, etc.) via des accélérateurs d'entreprise.
Et, d'une manière générale, tu auras plus de vécu, ton bagage sera plus important et tu seras globalement suffisamment formé pour gérer au mieux la société.
"L'école est en retard sur le monde du travail", c'est ce que l'on entend souvent et globalement ça reste vrai. Mais l'école t'apprend des choses que tu n'apprendrais pas en autodidacte et des choses dont les entreprises se moquent pour un employé mais qui s'avèrent bien utile intellectuellement et professionnellement quand le jeune loup diplômé souhaite chasser de ses propres pattes.
Quant à faire un break, même si je comprends pleinement et j'ai été dans une situation similaire pas mal de fois, évite pendant le lycée. Je connais une dizaine de personnes qui l'ont tenté, ils n'ont jamais remis les pieds dans une école, et seul l'un d'entre eux a trouvé du travail dans une usine. Les autres sont au CPAS, sans propriété, sans voiture, sans travail, sans avenir tout bonnement… mais avec un smartphone dernier cri.
Perso, j'ai fait un break, quelques mois au sortir de mon bac+3. Et ça m'a revitalisé. Malgré que je m'emmerdais au lycée, que je suis aussi tombé sur une classe de connards et que ça s'est répercuté sur mes notes, je n'ai pas abandonné ni fait de break au lycée. Par contre, j'en ai vu qui l'ont fait et qui le regrettent amèrement aujourd'hui.