Je suis mitigé, mais je penche plutôt vers l'avis de SpaceFox.
D'un côté, il est clair qu'un langage jeune doit évoluer rapidement, apprendre rapidement de ses erreurs, et donc être releasé le plus souvent possible. Donc le fonctionnement de Rust n'est pas déconnant à ce niveau.
De l'autre côté, il faut aussi voir l'image que cela renvoie du langage : une release tous les 2 mois, dans l'industrie, ça veut dire "techno instable". Si je prends ma société en exemple, qui édite un logiciel dont une très grosse partie des composants sont au niveau système (on parle de systèmes de fichiers distribués, là), même si on n'a pas peur d'intégrer des technos hyper récentes dans le projet (Docker, NodeJS, Salt…), cette partie "Core", système, actuellement en C, reste tellement sensible qu'il est impensable d'utiliser une techno aussi volatile pour l'instant, d'autant plus que le système doit être supporté sur des OS multiples (dont le cauchemardesque CentOS 6 qui nous force à rester compatibles avec Python 2.6 pour encore un paquet de temps).
Ça veut donc dire que le point de vue d'une boîte la plus ouverte possible aux nouvelles technos, dans le créneau de Rust (des produits comprenant de la programmation système), ne peut être que "oui, ça a l'air cool, c'est prometteur, mais pour l'instant c'est pas stable alors on n'y touche pas et on ne peut même pas se permettre d'essayer".
Le problème, c'est que l'adhésion de l'industrie à un langage le plus tôt possible est une clé dans le succès dudit langage. Si je reprends le parallèle avec Go, on a Google et Docker en fer de lance de la techno, donc à moins que Docker ne claque dans les 5 ans (ce qui est impensable à l'heure actuelle), le langage et sa communauté vont continuer à se consolider. Pour Rust, c'est moins sûr : si l'industrie ne l'adopte pas (en le criant haut et fort), alors sa communauté ne dépassera pas la "poignée d'enthousiastes", et le langage restera à côté de Haskell et de D, dans les douves.
En conclusion, le cycle de release de Rust devrait être à l'image du public visé. Ça a l'air idiot, mais c'est pourtant critique. Typiquement, le produit principal ma boîte, qui vise des domaines d'application assez frileux en termes de stabilité (on a quand même la société générale, Orange et General Electrics en clients, pour ne citer qu'eux — et je ne pense pas qu'on puisse les qualifier de "peu exigeants" ), suit un cycle de release difficilement conciliable avec le continuous delivery de Rust (on a l'obligation de maintenir le soft en vie dans plusieurs version majeures simultanément, avec des versions LTS qui rassurent les plus hermétiques au changement), sans lequel ces clients n'auraient même pas pris 5 secondes pour envisager d'utiliser notre soft.
Alors j'ai peut-être l'air de faire mon vieux con d'industriel avec mon discours, mais pour moi la remarque de SpaceFox lève un détail hyper important pour la survie de Rust ; en l'état actuel, il est probable que son cycle de release desserve Rust plus que ça ne le sert vraiment.