@vincentm, tu confonds loi positive (juridique) et loi naturelle (la morale). Ce que Thoreau parlait avec la désobéiscence civile : un truc peut être légal et illégitime par exemple. Faut pas faire d'amalgame, car tu dis, ou je comprends, que l'État fait la morale : c'est très mauvais ça, et ça donné les régimes totalitaires du XX. La morale est propre à chacun, mais y'a un fond universaliste.
Je crois que je me suis mal fait comprendre depuis le début.
Je ne dis pas que l'État doit faire la morale. Bien sûr que non il ne doit pas la faire. Mais étant donné qu'il régit l'éducation et plein d'autres trucs, il influence complètement la morale des individus. Et je disais bien que ce que l'État légalise, c'est ce qu'il pense légitime et juste (ce qui n'est pas forcément le cas pour la population). Les gouvernants sont des personnes, qui ont une morale et surtout des intérêts. Et ce sont ces intérêts et cette morale qu'ils essayent d'imposer quand ils sont au pouvoir.
Cela existe vraiment et c'est bien plus repandu que tu ne le penses (mais il faudra avoir ete dans quelques societes privees en tant qu'ingenieur pour l'avoir constate). Effectivement, il y a quelques cas mediatiques mis en evidence cites par Taurre, mais la majorite sont simplement non-decouverts et plus subtiles.
Combien de fois j'ai pu entendre des amis halluciner sur des demandes hallucinantes du genre fausser des etudes de resistance des materiaux pour faire en sorte que le thermopliage soit moins resistant que l'optimal. C'est typiquement le genre du chose ou la decision de prendre l'optimal en terme de resistance ne coute pas plus cher, reduire cet optimal non plus. Donc on pourra vendre le produit au meme prix, et a la rupture y a une probabilite non negligeable que le client revienne acheter chez moi si mon marketing est bon et l'usage global correct.
En resume:
si je prends l'optimal en terme de qualite, je vends mon produit au prix $a$, et je peux esperer un retour du client avec une probabilite $p$ apres une duree $t$ .
si je fais le choix d'une qualite sous-optimal, en admettant que ca ne modifie pas le cout marginal, je vends mon produit au prix $a$, et je peux esperer un retour client avec un probabilite $p-\delta p$ apres une duree $t-\delta t$.
Le $t-\delta t$ correspond normalement au temps ou l'appareil devient hors d'usage. Si par des techniques de marketing et de fidelisation tu arrives a avoir de toute maniere un client qui va vouloir racheter un produit avec un temps $t-\delta t$, il devient presque naturel qu'une qualite sous-optimale lorsque cela n'induit pas de cout supplementaire et ne reduit pas trop drastiquement la qualite du produit (en tout cas de maniere apparente) est une serieuse option a considerer.
De la meme maniere que l'on calcule quels sont les produits qui doivent etre en promotion, et ou les placer, on calcule exactement la qualite des produits a avoir pour optimiser la consommation. Et on paye un paquet de personnes pour faire ce genre de calculs et d'etudes (de maniere evidemment moins succintes que plus haut, mais c'est base sur ce principe d'estimation de tradeoff entre le risque futur de non rachat et la qualite du produit en introduisant des composantes plus larges: evolutions technologiques et du marche dans le domaine, etc.)
Le probleme avec les liberaux c'est qu'ils pronent la responsabilite et la liberte, sans se rendre compte qu'un etre humain n'est qu'une machine biologique qui reagit a des stimulis et un environnement. Reussit a modeliser et maitriser les stimulis et l'environnement et tu peux oublier ta liberte et responsabilite ; et c'est exactement la qu'intervient a la fois le neuromarketing et en general toutes les sciences qui cherchent a modeliser l'environnement, reduire les risques, predire tel ou tel phenomeme et son impact sur telle ou telle composante de la societe.
Imagine des progres scientifiques tels qu'on arrive a parfaitement modeliser les envies, besoins et predire la reaction des gens en groupe ou individuellement. Comment le liberalisme reagit face a cela ? Il s'ecroule parce que son postulat de base c'est la liberte individuelle, le libre arbitre et la responsabilite. Rien de neuf a l'horizon puisque ce sont des valeurs judeo-chretiennes qui ont +2000 ans et qui sont a l'origine de tout notre systeme de Justice (mais c'est un autre debat).
On a pas besoin d'imaginer un tel scenario d'anticipation pour voir que le liberalisme echoue a repondre a des questions simples, ou plutot donne une reponse qui ne satisfera que quelques individus. Prenons par exemple le sucre, probablement l'un des facteurs les plus importants d'obesite, la aussi l'un des fleaux majeurs de sante publique en occident.
On a determine scientifiquement les plages optimales pour la sante et les performances intellectuelles de taux de sucre et donc les plages de consommation qu'il faudrait respecter.
On a aussi determine le taux de sucre necessaire pour un plaisir optimale a la consommation et par la meme, une fidelisation si ce n'est addiction optimale.
Sauf que dans tous les produits ou l'on connait a peu pres le bliss point, celui-ci est totalement au dela de ce qui est determine premier point, autrement dit, ces produits sont mauvais pour la sante, pratiquement individuellement.
Remarquons aussi qu'on explique notre attirance pour le sucre et le gras par des milliers d'annees d'evolution dans un environnement d'alimentation pauvre et ou le corps humain s'est donc adapte, notamment via le stockage des sucres.
Le liberal pense que le consommateur a le choix, il rencontre une offre, celle de produits extremement sucres mais qui lui apportent du plaisir et que c'est donc a lui avec sa liberte de se responsabilise. Donc il se dit que tout est bien dans le meilleur des mondes: le fondateur de la societe avait la liberte d'entreprendre, sa societe a la liberte de vendre ses produits et elle disparaitra s'il n'y a pas de demande suffisante, et le consommateur a la liberte d'achete et probablement le choix sur un marche ou il peut choisir entre Pepsi, Cola, et Dr Pepper.
Le liberal n'entrevoit pas des phenomenes d'addiction au sucre, de modification ou d'utilisation de l'environnement pour modifier les comportements (en l'occurrence jouer sur l'attrait de l'humain pour le sucre au dela du raisonnable), qui vont totalement passer outre la conscience de l'individu et l'inciter a consommer davantage. Le fait que la science nous dise que c'est mauvais pour le corps humain lui importe peu puisqu'il ne peut pas concevoir que le libre arbitre n'est en fait qu'une resultante de sa bourgeoisie, c'est a dire une condition materielle et un environnement suffisament favorable pour qu'il puisse faire les choix qu'il veut.
Passons sur le fait qu'il n'entrevoit pas que par la liberte de vendre ce genre de produit, l'entreprise coute a la collectivite via les soins subventionnes par l'Etat, qu'il n'aime pas beaucoup par ailleurs.
Il n'entrevoit pas qu'il y a un effet d'appel d'air lorsqu'un concurrence se met a utiliser telle technique, par exemple utiliser le bliss point pour fideliser le consommateur, tous les autres vont le faire, resultant en un panorama de produits ultra-sucres qu'il devient impossible d'eviter.
En recusant l'absence de libre arbitre, de fil en aiguille, le liberal cree une societe ou le consommateur est justement en proie a ses instincts et a la manipulation qui passe outre sa conscience meme, et prouve un peu plus que son postulat de base est mauvais. Et je ne caricature pas du tout, on pourra simplement donner l'introduction de Capitalisme et Liberte de Friedman ou l'etre humain est totalement libre et totalement deconnecte de toute autre etre humain.
A l'inverse, l'antiliberal qui a compris qu'un etre humain c'est une poupee de chair qui reagit a des stimulis dans un environnement donne, il va essaye de fabriquer l'environnement le plus propice a chacun. Dans le cas particulier du sucre, il trouvera une solution pour reduire la consommation du sucre: faire payer une lourde taxe qui servira a financer des campagnes de prevention et la prise en charge medicale, rendant par la meme le produit hors d'acces que la plupart des bourses. Il l'interdira dans les ecoles et autres institutions. Comme la cigarette il prevoira proressivement de faire disparaitre les produits trop sucres (en faisant reduire les concentrations pour rentrer dans les plages ou la science nous dit que c'est acceptable). Etc.
Ce qui caracterise l'antiliberal deterministe, c'est qu'il ne fait confiance a personne (j'entends souvent les liberaux dire 'il faut faire confiance aux gens, aux patrons, aux entreprises, aux jeunes, etc') puisque le concept de 'faire confiance' n'a pas de sens pour lui: chacun dans l'environnement qui est le sien, va toujours se diriger vers ce qu'il considere pour lui comme optimal ou necessaire, et sans forcement avoir le choix.
Lorsque je suis patron d'une grande entreprise, qui ne vend qu'en France et que je paye 33% d'impot et que mes concurrents payent 10% ou 1% via des montages obscures au Luxembourg ou ailleurs, j'ai deux choix:
Je suis honnete et je paye en France mes impots car je vends uniquement en France. Pour survivre il me faut donc reduire mes marges, esperer que communiquer sur mon ethique aide mes ventes (ce qui est loin d'etre une certitude), faire bien mieux que mes concurrents pour reussir a survivre.
Je fait moi meme un montage fiscal, et paye alors le meme taux que mes concurrents. Au pire j'ai de temps en temps une petite amende mais largement compensee par le montage.
Il y a 90% si ce n'est plus des patrons qui vont choisir la seconde option plus par obligation de survie que par envie particuliere. Il a l'apparente liberte de choisir, mais en realite s'il ne le fait pas, survivre avec un differentiel de 20 a 30% sur l'import sur les benefices, c'est pratiquement impossible.
Le liberal il prefere se dire "baissons donc les impots, les entreprises reviendront. Ou alors soyons plus competitifs", c'est a dire se resigner a travailler avec la consequence d'un comportement anormal. Moi je prefere faire en sorte que les entreprises ne puissent pas partir, c'est a dire modifier l'environnement de sorte qu'elles modifient elle meme leur comportement: controle massif et systematique des finances des entreprises, amendes consequentes allant jusqu'a la suppression du versement des interets aux actionnaires en cas d'evasion fiscale ou de non-paiement des impots sur la part des services et produits realises ou vendus en France, en cas de recidives jusqu'a la nationalisation temporaire ou mise sous tutelle de l'entreprise, etc.
De telle sorte que c'est gagnant gagnant pour la societe francaise:
les entreprises flippent suffisamment car le risque a prendre en trichant est trop grand par rapport a respecter les regles de la societe francaise.
les petites et moyennes entreprises qui sont les premieres touchees par les distortions de concurrence creees par les optimisations fiscales massives sont de nouveau protegee.
les finances de l'etat sont a nouveau normales et l'on peut continuer de financer correctement nos services publiques.
Il y aura toujours quelques patrons qui prendront le risque, mais leur impact sera negligeable sur la societe. Aujourd'hui, 120 milliards par an c'est pas negligeable, c'est juste 100 fois plus que les fraudes aux aides sociales.
l ne peut pas concevoir que le libre arbitre n'est en fait qu'une resultante de sa bourgeoisie, c'est a dire une condition materielle et un environnement suffisament favorable pour qu'il puisse faire les choix qu'il veut.
Tu soulève une question importante sur le libéralisme, mais tu vas un peu vite en besogne. La question de la condition matérielle et de l'environnement est justement un point fondamental de la pensée libérale et c'est pour ça qu'on défend le revenu de base par exemple.
Passons sur le fait qu'il n'entrevoit pas que par la liberte de vendre ce genre de produit, l'entreprise coute a la collectivite via les soins subventionnes par l'Etat, qu'il n'aime pas beaucoup par ailleurs.
Je penses qu'on le voit assez bien, la notion d'externalité étant un peu le BABA des économistes. D'où l'idée de taxer ce genre de produits, ce qui aurait deux effets bénéfiques :
- réduire la consommation
- permettre de compenser le surcoût que cela fait peser sur le système de santé
En recusant l'absence de libre arbitre, de fil en aiguille, le liberal cree une societe ou le consommateur est justement en proie a ses instincts et a la manipulation qui passe outre sa conscience meme, et prouve un peu plus que son postulat de base est mauvais.
Tu tombe totalement dans l’excès malheureusement. Non l'homme n'est pas totalement libre et il faut en tenir compte, mais tomber dans la caricature inverse en le voyant comme un robot soumis aux passions et à la biologie c'est tristement réducteur. C'est sur que si tu vois vraiment le monde ainsi, je comprends que tu n'aimes pas les libéraux.
Dans le cas particulier du sucre, il trouvera une solution pour reduire la consommation du sucre
Comme je l'ai dit plus haut, cette solution est parfaitement libérale. Tu sembles avoir une vision totalement caricaturale du libéralisme. La liberté va avec la responsabilité, tu es libre de manger du sucre, mais aussi d'en assumer les conséquences. Il n'y a rien de libéral si les autres payent à la place. Par contre l'internalisation des externalités rencontrent certaines limites comme la rationalité limité des agents ou l'incohérence inter temporelle. Et c'est là un défit intéressant pour la pensée libérale moderne (mais aussi pour les autres pensées, qui doivent y répondre en prenant compte les critiques libérales).
Le liberal il prefere se dire "baissons donc les impots, les entreprises reviendront. Ou alors soyons plus competitifs"
Je crois que tu confonds le libéral de comptoir/BFM avec une vraie pensée libérale structurée. Un libéral n'est pas contre les impôts en soi, il discute juste de leur efficacité et de leurs justifications. Taxer le sucre par exemple c'est une bonne idée. La TVA c'est un impôt absurde par contre.
Sur la question de l'optimisation fiscale par exemple il est clair que la course à qui aura le taux le plus bas pour attirer les capitaux étrangers est une situation de dupe qui n'est pas tenable. C'est là un problème plus vaste et plus complexe qui touche à la délicate question de la coordination des politiques économiques et fiscales.
Mais ne vas pas croire qu'un libéral de bonne éducation trouve normal la situation d'évasion fiscale que tu évoques.
Moi je prefere faire en sorte que les entreprises ne puissent pas partir
C'est totalement irréaliste et utopique comme solution. Le problème est plus complexe malheureusement : dans une Europe avec libre circulation des capitaux et un marché unique, certains petits pays (Belgique, Luxembourg, Suisse, etc) vont se spécialiser dans l'optimisation fiscale, au détriment du voisin. Et en France on fait plus ou moins pareil : crédit compétitivité aux entreprises, pas d'impôts si tu installe ta société en France, nationalité Française si t'es Russe et que t’investis etc.
Chacun joue au passager clandestin et essayer de siphonner la base fiscale du voisin. Il serait temps que les pays européens arrêtent de jouer à ce petit jeu et se mettent d'accord ensemble sur des règles du jeu communes.
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