Militer sert-il vraiment à quelque chose aujourd'hui ?

Où il est question de débat public et d'enjeux de société...

a marqué ce sujet comme résolu.

@elegance : Eclairage intéressant, cependant ta vision étymologique du militant politique est exagérée. L’étymologie peut expliquer un terme consacré au départ (mais parfois même pas, tout dépend des circonstances de cette consécration), sans forcément décrire la réalité actuelle. On peut très bien militer au sein d’un parti et rester critique voire changer d’opinion par la suite. De plus, les mouvements sont en général composés de plusieurs courants qui s’affrontent en interne, là où une armée de soldats est homogène. Il en va de même pour les causes de société moins politiques.

Sinon je viens de voir cette vidéo intéressante qui se rapproche du débat initial et montre certains problèmes de comportement et de vision du monde : https://www.youtube.com/watch?v=px9Hcgc6BPY. A nuancer cependant, les gens qui traînent toute la journée sur Twitter ne sont absolument pas représentatifs des gens "de la vraie vie".

L’étymologie offre un angle de vue. Avec ses qualités intrinsèques, fortes : l’étymologie est un fait incontestable, ce n’est pas un point de vue subjectif, c’est un fait objectif.

En plus, ici, le parallèle entre le militant et le militaire m’a bien amusé ; il y a un certain nombre de points communs entre les 2 organisations (armée et groupe de militants). Bien sûr que j’ai un peu caricaturé les choses.

On aime souvent caricaturer les militaires, c’est politiquement correct de caricaturer les militaires, alors que les militants seraient des êtres supérieurs, il ne faudrait pas les caricaturer ?

J’ai juste voulu signaler qu’un militant, ou un militaire, c’est très voisin. Vraiment très voisin.

Mais oui à ce que dit Phigger, l’étymologie n’est qu’un angle de vue, le sens des mots évolue.

L’étymologie n’est jamais, jamais un critère pour statuer sur la signification actuelle d’un mot. Et encore moins pour découvrir les propriétés d’un phénomène.

Pour les gens que ça intéresse, une réf fondatrice à ce sujet, c’est le Cours de linguistique générale de Saussure (distinction diachronie/synchronie).

Et après, bien sûr, tout ce qui concerne le fameux slogan (critiquable mais quand même central dans les sciences du langage au XXe) "la signification, c’est l’usage", qui part de chez Wittgenstein.

C’était ma minute anti-étymologique ;)

+1 -0

Nous vivons dans des pays ayant des dizaines de millions de citoyens, on ne peut pas faire un compromis parfait qui plaît à tout le monde hélas. On ne peut pas avoir en même temps l’anarchisme de Taurre et nos système actuels. Le meilleur moyen est de laisser la population choisir quel politique mettre en œuvre par l’État de droit, essayer de le reverser autrement ne satisfera pas tout le monde (bien au contraire) et ne sera finalement pas une démarche plus populaire ou démocratique.

Donc si Taurre (par exemple) veut réaliser son rêve d’un État anarchique, il le peut, mais il devra convaincre une bonne majorité de citoyens d’adhérer à cette idée. Ce qui mène au sujet initial du topic : il faut débattre et communiquer.

Renault

J’avoue que je ne sais pas si « État anarchique » n’est pas l’exemple type d’un oxymore. :-°

Mais plus sérieusement, si je partage ton point de vue, je pense qu’il est illusoire de penser que cela peut réellement se passer comme cela. Je veux dire, imaginons : une partie écrasante de la population d’un État décide que le capitalisme, c’est « le mal » et qu’il est nécessaire d’en sortir. Elle se dote pour cela d’un gouvernement élu qui partage ses idées et a, notamment, comme mesures phares d’instaurer dans toutes les entreprises une assemblée des travailleurs qui codécide avec l’assemblée des actionnaires, un impôt progressif globalisé, une (re)nationalisation de plusieurs secteurs et notamment du secteur bancaire et j’en passe (et encore, là je suis gentil sur les exemples de mesures :p ).

Il est évident que quiconque est contre ce projet de société et dispose de ne fût-ce qu’un peu de pouvoir (au sens général une fois encore) va en user et en abuser pour contrer ce projet, aussi démocratique soit-il. Ce ne sont pas les démonstrations qui manquent ses dernières années, notamment du côté du monde financier qui se fait une joie de réduire à néant toute possibilité de changement sur le plan économique. Aussi longtemps qu’il existera des facultés de contrainte, il existera des luttes pour s’en défaire, précisément parce que c’est le seul moyen de s’en défaire.

Par « lutte », je n’entends pas forcément lutte armée, mais plus que de la simple discussion.

+2 -0

Je viens de retomber sur cette planche, alors je la dépose par ici, ça parle de militantisme et d’agressivité : https://emmaclit.com/2016/10/27/le-fond-et-la-forme/

(edit: Ah, je poste une BD en rapport avec le sujet qui donne un certain point de vue, et je me prends un plus mauvais ratio qu’un message qui invite certains de ses interlocuteurs à « aller mourir » :D )

Je viens de retomber sur cette planche, alors je la dépose par ici, ça parle de militantisme et d’agressivité : https://emmaclit.com/2016/10/27/le-fond-et-la-forme/

entwanne

J’ai mis un -1 et voilà pourquoi : je trouve qu’une partie du raisonnement est absurde, ce qui entraîne une conclusion complètement fausse. Particulièrement cette bulle :

Quand tu me dis que tu es d’accord avec moi, mais que mon agressivité nuit à ma cause, je sais très bien que tu ments[sic]. C’est toi qui nuis à notre cause en ne nous reconnaissant pas le droit d’être en colère.

Il ne s’agit absolument pas de refuser à quiconque son droit d’être en colère. D’ailleurs, c’est confondre le droit d’être en colère avec celui d’agresser les gens : quand on vient me chercher pour m’agresser, je n’ai rien demandé, moi, ce n’est pas moi qui légifère in fine, et surtout, je ne suis coupable de rien. Alors non, moi je me revendique du droit de dire que ce n’est pas ma guerre, et ce n’est certainement pas en m’agressant que ça le deviendra.

C’est facile de faire ce raccourcis : je suis en colère donc obligatoirement agressif, et c’est facile d’inventer un joli mot-clé (tone policing) pour disqualifier les réactions hostiles à l’agressivité. Sauf que c’est fallacieux, et je fais partie de ces gens qui font un travail sur eux-mêmes pour ne pas imposer leur agressivité aux gens sous le prétexte de la colère. Si je gueule sur quelqu’un et qu’au final, je ne finis pas écouté (et ça m’est arrivé, et pas qu’un peu), je suis assez grand pour assumer le fait que c’est de ma faute, que c’est même à moi de m’excuser d’avoir gueulé, et que j’aurais dû sortir souffler un bon coup avant de chercher à communiquer.

Je n’attends pas plus des autres que ce que j’exige de moi-même.

Et en aucun cas cela signifie que « la situation me convient très bien et que je n’ai aucune envie qu’elle change ». C’est marrant, ça rejoint exactement le concept de binarisation : je suis pas d’accord avec la façon dont tu me parles, donc je suis forcément un ennemi à ta cause.

PS: Si je voulais vraiment pousser le raisonnement à l’extrême : si, ça me donne envie que la situation change pour qu’on arrête de la prendre en prétexte pour venir m’agresser.

+5 -1

Et dans l’idée je suis d’accord, une communication calme serait toujours préférable à une agressive.
Mais comme je trouve facile de faire ce jugement à la place de non-concerné que j’occupe, je voulais relayer la parole d’une militante.

Peut-être que ses raisons sont mauvaises et ses raisonnements fallacieux, mais elle les explique, et c’était a priori une des questions soulevées dans ce sujet : elle est agressive parce qu’elle est en colère, que la situation la met en colère, que les remarques qu’elle reçoit lui sont agressives.

C’est tout ce que je voulais partager. Je m’abstiendrai la prochaine fois.

Et dans l’idée je suis d’accord, une communication calme serait toujours préférable à une agressive.
Mais comme je trouve facile de faire ce jugement à la place de non-concerné que j’occupe, je voulais relayer la parole d’une militante.

Peut-être que ses raisons sont mauvaises et ses raisonnements fallacieux, mais elle les explique, et c’était a priori une des questions soulevées dans ce sujet : elle est agressive parce qu’elle est en colère, que la situation la met en colère, que les remarques qu’elle reçoit lui sont agressives.

C’est tout ce que je voulais partager. Je m’abstiendrai la prochaine fois.

entwanne

Attention, je ne dis pas que tu as mal fait de relayer cet avis ou le partager. Au contraire, ça m’a appris qu’il existait une ligne de défense toute prête et toute montée pour se revendiquer du droit d’être agressif sous prétexte que l’on milite.

Je trouve ça intéressant. Désolant, mais intéressant. Mais ça n’en constitue pas moins un apport réel à ce débat.

+3 -0

J’ai moinssé aussi, donc je préfère m’expliquer.

elle est agressive parce qu’elle est en colère, que la situation la met en colère, que les remarques qu’elle reçoit lui sont agressives.

Ça, je suis d’accord. C’est le début de son propos, et je l’approuve. La suite, c’est une succession d’hommes de paille. On retrouve l’appel à l’émotion que pointait @SpaceFox.

D’une certaine manière, on pourrait considérer que je suis militant de la science ou l’esprit critique (même si je le récuse : je présente ces choses, mais ne vais pas vers les gens pour en parler, ce sont eux qui viennent à moi ; je ne considère pas que je milite). Et je comprends sa colère face à ce qu’elle considère comme une injustice. Sauf que quand elle argumente via des hommes de paille, j’ai l’impression, en tant que vulgarisateur scientifique, qu’on insulte ma raison ou on intelligence. Et c’est beaucoup trop le cas ces derniers mois.

Entre les militants de tous bords qui font des invectives générales, les complotistes anti vaccins, 5G ou masques, et le sieur chloroquine, je n’ai plus la patience pour lire des hommes de paille. Donc je moinsse et passe à autre chose. On me dira que c’est un luxe que n’ont pas d’autres gens. Sûrement. Mais je en sais pas quoi faire de cette information.

+0 -0

@Gabbro Tu peux développer ? Parce que j’ai beau (croire) bien connaitre la notion d’homme de paille, je ne vois pas du tout ce qui en constitue dans cette BD.

Si c’est parce que tu penses que personne ou presque ne tient les propos mis en scène, et qu’ils te semblent peu crédible, eh bien détrompe-toi. Tu n’as bien sûr pas à me croire sur parole, ni les très très nombreux témoignages accessibles sur le sujet, mais cela ne constitue qu’un petit ensemble de ce qui peut s’entendre quand il est question de féminisme. Pas juste de la part d’un type par ci par là, mais d’une façon étonnamment régulière et fréquente.

Edit : d’autant qu’il me semble que, sans prétention à représenter une position argumentative, on ne peut pas, par définition, commettre d’homme de paille. Ou pour reformuler la question : penses-tu vraiment que la notion d’homme de paille puisse s’appliquer ici ?

+0 -0

Au début, c’est raisonnable, puis ça monte, ça monte, et on atterrit là-dessus :

« OK pour arrêter de vous violer, mais t’as pas dit le mot magique ».

C’est de la mise en scène. C’est non crédible. Je doute très très fortement que ce soit des propos réguliers et fréquents. C’est à ce moment-là que j’ai fermé la page en me disant que c’était une manipulation grossière et insultante.

Il y a une citation dans laquelle je me retrouve,

Tout ce qui est excessif est insignifiant.

Charles-Maurice de Talleyrand

Comme je le dit dans mon message précédant, je n’ai pas en ce moment la patience pour lire ce genre de chose. Je les évite volontairement, car je sais que je fais facilement de la réactance. Et que la prochaine fois qu’on me parlera de cette autrice, j’ai ma lumière rouge « alerte militant fallacieux » qui va s’allumer. Probablement à tord, mais je ne controle pas mes biais. Et qu’un de mes gros défauts d’un point de vue rationalité, c’est justement que mon alarme anti-foutaise est trop sensible.

+0 -0

Hmm, je vois. Cette bulle en particulier a clairement pas le même statut. Il me semble que c’est assez clair dans le contexte et vu la progression de la BD, justement. Mais bon on pourrait en débattre à l’infini, du statut des énoncés dans ce genre de document.

Je maintiens pour le reste (mauvaise foi ?) et pour la remarque définitionnelle sur l’homme de paille.

Merci :)

Je veux bien des détails sur ton édit, car si je prend la définition Wikipédia :

L’épouvantail, parfois appelé « argument de l’homme de paille » par traduction littérale de l’expression anglaise « straw man », est un sophisme qui consiste à présenter la position de son adversaire de façon volontairement erronée.

Pour moi, cette bulle n’est pas différente. Elle est dans la continuité du reste. Je n’ai accepté les autres que par suspension consentie de la crédulité (on va faire comme si c’était vraie) en attendant les arguments. Là, elle est tombée, je passe à autre chose.

Or en mettant ce texte dans la bouche des opposants, elle présente une position erronée de ses adversaires, en la caricaturant, pour plus facilement le contredire. C’est le principe d’un homme de paille.

J’ai lu la fin suite à cette discussion. Je m’attendais à avoir le début des arguments après cette bulle, alors que c’est la fin. Une magnifique fin, avec le fameux « je sais que tu mens »…

De la même manière, si on suppose un instant que les gens en face d’elle qui lui demande le calme veulent vraiment ce qu’ils disent vouloir, affirmer qu’ils veulent autres chose mais avancent masqués est là encore un homme de paille (présentation erronée des arguments adverse). Pas de son point de vue (elle par du principe qu’ils ne sont pas francs), mais ça peut l’être du mien (si je conserve cette hypothèse).

Personnellement, cette page de BD a rajouté une couche sur ma dubitativité devant certaines position féministes.

+1 -0

Je suis pas d’accord sur l’interprétation de la BD, mais comme je l’ai dit on peut mettre ça de côté parce que y aurait beaucoup à discuter rien que pour préparer le terrain (statut de la fiction, qu’est-ce que ça signifie et implique de mélanger fiction et faits réels, quel niveau de généralité on peut atteindre dans une BD comme celle-là, etc.).

Sur l’homme de paille, simplement, il me semble qu’il n’y a pas de prétention à présenter la position d’un adversaire, justement, ni, pour suivre la suite de la présentation sur Wikipedia, d’inférence du type : "j’ai détruit cette position faussement attribuée à mes adversaire donc ils ont tort". Il s’agit juste d’exemple dont on prétend non pas qu’ils représentent une position ou une norme, mais qu’ils sont suffisamment présents dans l’espace public et les débats pour produire des effets et être problématiques.

Du coup, vu qu’on n’est pas sur le terrain de l’argumentation, mais avant tout sur du témoignage et de l’explication de notions (en tout cas je crois) il me semble que la notion d’homme de paille ne s’applique simplement pas. Ma remarque est vraiment définitionnelle, je me demande si les choses que tu trouves à critiquer ici ne seraient pas mieux décrits avec un autre terme.

Si c’est parce que tu penses que personne ou presque ne tient les propos mis en scène, et qu’ils te semblent peu crédible, eh bien détrompe-toi. Tu n’as bien sûr pas à me croire sur parole, ni les très très nombreux témoignages accessibles sur le sujet, mais cela ne constitue qu’un petit ensemble de ce qui peut s’entendre quand il est question de féminisme. Pas juste de la part d’un type par ci par là, mais d’une façon étonnamment régulière et fréquente.

De quel propos tu parles au juste ?

S’il s’agit de la position "ton agressivité dessert ta cause", et qu’elle est régulière et fréquente, il y a peut-être matière à réfléchir.

Si l’on en croit la BD, c’est parce que les gens sont régulièrement et fréquemment des menteurs, ennemis de la cause, à qui la situation des femmes qui se font agresser majoritairement plus que les hommes "convient parfaitement", et qui n’ont pas intérêt à se remettre en question.

Ou alors, c’est parce que les gens n’aiment régulièrement et fréquemment pas qu’on les agresse, qu’ils ont malgré tout écouté le discours (parce qu’ils ont un accord de principe sur la cause à la base) et y ont quand même réfléchi pour lui laisser une chance, en ont peut-être même tiré quelque chose de plus (un accord sur le fond, une remise en question de certains de leurs comportements…), mais considèrent que cette agressivité les a d’abord braqué, et qu’en d’autres circonstances, ils auraient simplement haussé les épaules et seraient repartis vivre leur vie.

Dans un cas, les gens sont des menteurs qui masquent leur hostilité à la cause en prenant l’agressivité comme prétexte à accuser les gens, dans l’autre, ils disent strictement ce qu’ils pensent, et ils décrivent une réaction on ne peut plus humaine (se crisper et se fermer quand on se fait agresser).

Qu’en dit le rasoir d’Occam ? :)

Edit: Ma question étant évidemment rhétorique, j’en conclus qu’il y a vraiment un problème si, sous prétexte d’une lutte, les militantes et militants sont encouragé(e)s à diaboliser toute personne ne supportant pas l’agressivité.

J’ai même envie d’aller plus loin que ça, en sortant du référentiel du féminisme dans lequel on pourrait m’accuser d’avoir, de par mon propre sexe, un parti pris, en disant que je réagis strictement de la même façon quand quelqu’un se montre agressif en parlant d’une cause où les "victimes" sont un groupe auquel j’appartiens : quelqu’un qui vient me voir en disant "mais faut te lever et venir te battre là ! Ils sont en train de te baiser la gueule, c’est insupportable !" ne mérite pas plus mon attention.

Et d’ailleurs, dans ce cas, je me suis même vu accusé d’être endormi et trop profondément "aveuglé par le système", au point de le défendre. Comme quoi…

+0 -0

J’en ai un lecture assez différente.
Je la vois plutôt accuser des gens de venir la reprendre sur son ton plutôt que vraiment œuvrer pour la cause qu’ils disent défendre, et donc plus s’attarder sur son cas à elle que les propos agressifs qu’elle a pu recevoir.

J’en ai un lecture assez différente.
Je la vois plutôt accuser des gens de venir la reprendre sur son ton plutôt que vraiment œuvrer pour la cause qu’ils disent défendre, et donc plus s’attarder sur son cas à elle que les propos agressifs qu’elle a pu recevoir.

entwanne

En fait pour moi ça ne change pas la conclusion que j’en fais, qui tient en une phrase : l’agressivité est contre-productive.

Même dans le cas de figure où les gens seraient vraiment des menteurs qui se cachent derrière l’agressivité, dans ce cas, pourquoi camper sur son droit à être agressif plutôt que leur retirer cette excuse ?

+1 -0

@nohar Je pense comprendre ta position, telle qu’exprimée depuis le début de cette discussion, et notamment dans la synthèse provisoire. Je suis toujours pas d’accord du tout du tout :) mais au moins je trouve qu’on s’est pas mal exposé nos positions et nos arguments respectifs. Et j’aurais peur en développant à nouveau de faire tourner un peu tout ça en rond.

Je donne juste deux points qui me dérangent particulièrement. Disons que ce sont des points de crispation personnels.

1) Les reproches liés à l’émotion. J’avais dit que je tenterai de développer il y a quelques pages. En fait, j’y arrive pas tellement. Disons qu’un truc me gène à ce propos, j’ai pas l’impression que ce reproche soit légitime ou fondé. Mais surtout : beaucoup de ce que tu développes ne consiste pas en des arguments rationnels mais en des ressentis et des choses du registre émotionnel. Pas un problème, selon moi, mais simplement je me dis qu’il y a quelque chose à noter ici : pourquoi tu pourrais et pas les militants, quelles différences, etc. J’ai pas d’avis, et il me semble que tu disais quelque chose à ce sujet déjà plus haut, en disant que ton émotion était en réaction à des attaques.

2) L’usage de concepts liés à l’esprit critique / autodéfense intellectuelle / zététique. Là, tu parles de rasoir d’Occam et, tout comme la mention de l’homme de paille plus haut, il me semble que ça ne s’applique pas. Ce deuxième point m’importe tellement, depuis tellement longtemps, que je me dis que ça mériterait un billet, ou quelque chose comme ça, à propos des certains mésusages de notions liées à l’esprit critiques. En gros le paradoxe apparent des usages non critiques des outils critiques.

Perso je sens que je suis arrivé un peu au bout de cette discussion. Pas parce que je serais amer, ou en colère. Au contraire, j’ai énormément apprécié de pouvoir exprimer des désaccords, et d’avoir la possibilité de développer autant avec des personnes qui ont du répondant. L’occasion de découvrir un peu la "commu" zds, comme on dit. J’espère juste que j’ai pas pris trop de place. Je me dis que quand on se met à répondre à presque tout, il est peut-être temps de se calmer :D

"J’ai reçu des messages privés me 'conseillant' d’être moins agressive."

"Sauf que ce que ces gens voulaient en réalité, c’est pas que je sois sympa. C’est que j’arrête de tenir des propos qui les obligent à se remettre en cause."

C’est là que le raisonnement tombe. Elle présuppose et généralise probablement abusivement les intentions de ses interlocuteurs.

C’est dommage car sur le fond elle a raison, attaquer la forme plutôt que le fond est une stratégie courante de rhétorique. Comme quand on ne répond pas à un argument sous prétexte qu’il a des fautes d’orthographe. Ou quand le gouvernement désavoue les gilets jaunes car quelques-uns ont vandalisé l’Arc de Triomphe en évitant soigneusement d’évoquer les revendications ou la réponse des forces de l’ordre. Comme si une faute sur la forme permettait d’invalider tout le reste sans justification.

Mais ça n’empêche que la forme, et la bonne sélection des cibles, est importante. La plupart des gens sont conscients de cet écueil. En tant que mâle blanc je suis fatigué de me sentir visé à tort et à travers, d’assister aux obscénités des Femen, de subir du racisme anti-blanc qui soi-disant n’existe pas, ou de devoir m’expliquer sur des intentions qu’on me présuppose à tort. Tout comme l’auteure de la BD, cela finit par me mettre en colère et me pousse, à tort, à rejeter en bloc les revendications de ceux par qui je me sens agressé. Ce n’est pas de la mauvaise foi ou parce qu’en secret j’aimerais être un vilain esclavagiste qui viole et qui tue, c’est juste par perte de patience et réflexe défensif.

D’un autre côté, c’est vrai que quand on ressent suffisamment une colère de masse à travers la forme d’une lutte, ça force à s’interroger dessus : si tous ces gens pètent un câble comme ça, il doit y avoir des vraies raisons. Et si j’ai des raisons de me remettre en question, je ne vais probablement pas le faire sans y être un peu forcé. D’un autre côté, quelqu’un qui reste calme et posé n’a peut-être pas de si gros problèmes que ça. Ou a minima ne va pas retenir mon attention dans la foule d’informations que je reçois. Bref c’est comme souvent sûrement une question de juste équilibre optimal… Le meilleur comportement collectif est de se mettre un peu à la place de l’autre, d’un côté comme de l’autre.

Je suis conscient que c’est énervant d’entendre ça quand on subit des injustices, mais on ne manque plus d’exemples montrant que l’extrémisme aveugle a toujours des effets délétères pour tout le monde.

+3 -0

Salut,

Je n’ai pas lu en entier les 6 pages mais j’aimerais par ce post, partager mes impressions sur la forme des débats qu’on peut voir à la télévision. Désolé par avance si c’est légèrement hors-sujet. Sinon, n’hésitez pas à partager vos impressions également.

Pour moi, ce qui importe dans un débat, c’est l’écoute. On écoute les arguments et les raisonnements de l’autre et on rebondit sur ces réflexions pour argumenter notre prochain propos. L’écoute est essentielle, cela implique de ne pas esquiver les réflexions de l’autre ni de répéter bêtement un texte appris par cœur. En fait, à l’extrême, lors d’un débat, il devrait être possible qu’un des intervenants finisse même par changer sa position initiale sur le sujet.

Or, dans les débats télévisés, je constate qu’il n’y a plus cette écoute :

  • On se coupe mutuellement la parole ;
  • On hausse la voix pour se faire entendre ;
  • On esquive les questions / les arguments de l’autre ;
  • On rebondit donc sur ce qui nous intéresse uniquement ;
  • Parfois, on va carrément vers des arguments de type ad-hominem ;
  • Les intervenants au débat ne changent jamais leur position, quitte à être ridicule1.

Je n’ai plus aucun plaisir à regarder un débat télévisé. Souvent, je pense : « Mais arrête de lui couper la parole, laisse-lui terminer son argumentaire ! Tu esquives cette question-là, or on attend une réponse. etc ». L’avantage d’un débat écrit, comme par exemple celui-ci, c’est que chaque intervenant prend le temps d’écrire sa réponse et il est impossible de couper la parole à une autre personne. De plus, mener un discours oral, c’est un exercice assez difficile. Comprendre quasi-instantanément les arguments de l’autre en compte, y réfléchir, les intégrer dans une réponse complète et qui a du sens, ça me paraît très compliqué à l’oral.

Paradoxalement, les débats sur les réseaux sociaux (tels que Facebook) ne volent pas haut non plus. Mais c’est une autre histoire.


  1. Par exemple, j’ai trouvé que le débat « final » télévisé Marine LEPEN / Macron était tout simplement un numéro de clowns…

Pas un problème, selon moi, mais simplement je me dis qu’il y a quelque chose à noter ici : pourquoi tu pourrais et pas les militants, quelles différences, etc.

Je comprends la remarque, mais j’ai une réponse assez simple à ça : le contexte n’a rien à voir.

Je ne suis pas en train de militer, ni de défendre une quelconque cause, on est juste en train de participer à une discussion sur un forum apolitique. L’enjeu de celle-ci, en ce qui me concerne, n’est que d’alimenter ma propre réflexion.

Admettons, pour le principe, que ce ne soit pas différent. La portée que je donne à ce registre n’est pas non plus la même : à aucun moment je ne prétends donner une valeur argumentative à mon ressenti. Explicative, oui (voilà ce que ça me fait ressentir, voilà ce que je crains, voilà ce qui me fait penser que quelque chose n’est pas normal, et que j’essaye d’examiner). Illustrative aussi.

Et puis ce n’est pas tant l’usage de ce registre que son effet qui me dérange dans le contexte militant, et de ce côté je fais un minimum d’effort pour ne pas tomber dans les mêmes biais, en particulier pour ne pas faire d’amalgames ou prêter des intentions à mes interlocuteurs (c’est un écueil dans lequel il est très facile de tomber, d’ailleurs).

Ici, on bénéficie de garde-fous contre les effets délétères dont j’ai parlé : si quelque chose m’enerve, je peux sortir prendre l’air et fumer une clope pour réfléchir avant de répondre, par exemple. Et surtout, ce n’est pas un sujet "qui me tient à cœur" : il m’intéresse, mais n’est pas au centre de mes préoccupations.

Si le contexte était celui d’un débat ayant pour vocation de prendre des décisions, par contre, où mon intérêt aurait été de convaincre, sois assuré que je ne l’aurais certainement pas abordé avec autant de légèreté dans ma façon d’articuler ma pensée. :)

+2 -0

Je ne suis pas en train de militer, ni de défendre une quelconque cause, on est juste en train de participer à une discussion sur un forum apolitique.

nohar

Personnellement, je dirais « pluripolitique ». ;)

Or, dans les débats télévisés, je constate qu’il n’y a plus cette écoute :

  • On se coupe mutuellement la parole ;
  • On hausse la voix pour se faire entendre ;
  • On esquive les questions / les arguments de l’autre ;
  • On rebondit donc sur ce qui nous intéresse uniquement ;
  • Parfois, on va carrément vers des arguments de type ad-hominem ;
  • Les intervenants au débat ne changent jamais leur position, quitte à être ridicule.
Green

Je pense que quelqu’un en avait parlé un peu avant, mais oui, les « débats » télévisés sont de simple joutes verbales. Le but n’est pas d’échanger des arguments, mais simplement d’être éloquent, par tous les moyens possibles et notamment par l’usage abondant de sophismes.

+4 -0
Connectez-vous pour pouvoir poster un message.
Connexion

Pas encore membre ?

Créez un compte en une minute pour profiter pleinement de toutes les fonctionnalités de Zeste de Savoir. Ici, tout est gratuit et sans publicité.
Créer un compte