Pour l’histoire de l’extrême droite et extrême gauche, il y a plusieurs façon d’expliquer les résultats récents à leur sujet.
@Taurre, tu dis que l’extrême droite est un capitalisme autoritaire. Je ne suis pas d’accord avec cette notion. La notion de droite / gauche n’est pas basée sur sur l’axe communisme / libéralisme / capitalisme, c’est aussi un axe progressisme et conservatisme.
Par ailleurs l’extrême gauche par exemple ne se résume pas qu’au communisme, tu as différents courants et projets dans ce coin là comme l’anarchisme qui n’a pas grand chose à voir pourtant. L’extrême droite c’est pareil, tu as des courants qui sont orientés vers le social et d’autre vers le capitalisme.
Tu noteras que par exemple le nazisme est certes d’extrême droite mais qu’on ne peut pas qualifier de proche du capitalisme ou du libéralisme.
Ici il faut voir l’extrême droite comme un repli identitaire sur soi, donc le rejet de l’étranger et le racisme qui l’accompagne, le retour aux frontières, souvent la glorification d’un passé qu’ils veulent restaurer, le suivi idéologique d’une religion par rapport aux questions sociétales.
Ensuite tout le programme, que ce soit social, économique ou écologique se fera à travers ce prisme de pensée.
Par exemple, tous les programmes politiques aujourd’hui proposent de l’écologie, mais la motivation n’est pas la même suivant le bord politique même si parfois cela revient à proposer la même chose.
Extrême droite : circuits courts, donc retours aux frontières, taxes sur les produits étrangers pour soutenir l’industrie ou l’économie locale, normes environnementaux pour interdire les produits étrangers, etc.
Droite / centre : investissement d’avenir pour l’industrie et le rayonnement du pays
Gauche : protection de l’environnement et des travailleurs, relance de l’emploi
Gauche productiviste (certains communistes) : relance de l’industrie et lutte contre le chômage
Pour les questions sociales, c’est un peu pareil, l’extrême gauche tout comme l’extrême droite en font mais pas pour les mêmes raisons. L’extrême droite ce sera pour défendre un modèle de civilisation qui fonctionnait, pour rejeter les étrangers du système (car le social est coûteux), pour lutter contre la mondialisation, etc. La gauche aura une approche plus universaliste et humaniste du social, en théorie peu focalisé sur le peuple qui en tire parti bien que parfois (cf Mélenchon) cela peut évoluer aussi.
Du coup oui, certains partis comme le FN depuis Marine Le Pen ou le Vlaams Belang assez récemment ont orienté leur campagne vers le social, centré sur leur propre culture et peuple.
Ce revirement peut être sincère mais aussi opportuniste pour agglomérer tous les mécontents. Car miser uniquement sur les racistes ou les hyper catholiques, cela ne fonctionne pas pour prendre le pouvoir. Attirer les ouvriers et autres agriculteurs est un bon moyen d’atteindre une masse critique.
Pourquoi des gens de gauches traditionnellement comme les ouvriers ou certains fonctionnaires voteraient-ils pour l’extrême droite ?
Je ne pense pas que par essence les ouvriers soient tous humanistes par exemple mais votaient à gauche surtout car c’était des partis qui défendaient leurs intérêt en terme de chômage, de pénibilité au travail, etc. Du coup voter pour un parti raciste ne pose pas spécialement de problèmes pour ceux qui le sont un peu (car oui, des ouvriers sont contres les étrangers qui volent leur travail aussi) tant que ce parti défend leur intérêt d’un point de vue social.
Il y a je pense aussi un peu d’opportunisme. L’extrême gauche ne perce plus depuis la chute de l’URSS, donc ils votent dans le vide depuis longtemps. Or l’extrême droite a toujours été des partis plus dynamiques et étant le repère du vote contestataire donc si tu veux un changement rapidement, c’est un choix par défaut.
Ensuite l’extrême droite a beaucoup soigné son image, ce que l’extrême gauche ne fait pas vraiment. Quand je lis un programme communiste par exemple, j’ai l’impression de lire à chaque fois le même genre de texte. Le style est le même, le programme ne se modernise pas, le folklore (comme l’internationale) vieillit. Ce n’est pas très sexy. L’extrême droite a beaucoup travaillé son image, ils essaient de lisser la communication, vire les membres les plus gênants du mouvement en terme de déclarations racistes par exemple, leur programme cache le rejet de l’étranger au maximum pour parler plutôt de la gloire passé et de la richesse du pays ou de la nation.
Et cela porte ses fruits, même si cela n’est que de la façade, cela peut suffire à berner les gens.
C’est pourquoi d’ailleurs des pays qui avaient une histoire récente forte avec une sensation de déclin récemment, comme la France, l’Italie ou le Royaume-Uni qui ont le plus de votant pour ce genre de partis. La sauce prend bien dans ce contexte.
Et cela explique aussi la différence Flandre / Wallonie. La Flandre a une problématique identitaire et culturelle que la Wallonie n’a pas. La Wallonie vote donc à gauche voire extrême gauche par l’abondance du mouvement ouvrier et des agriculteurs qui ne visent que le social. Et comme la gauche a historiquement toujours bien fonctionné en Wallonie, voter PTB est suffisant pour la contestation. Mais on notera que la méthode NVA sur l’immigration, comme celle de Theo Francken, a de plus en plus de sympathisants en Wallonie aussi, cela pourrait donc changer un jour.
La Flandre a voté pour le Vlaams Belang car la gauche n’est pas historiquement très présente localement. Mais aussi la Flandre est une région actuellement riche, avec le quasi plein emploi tout en ayant une question culturelle et identitaire à résoudre. Tu as les ingrédients pour voter pour ce parti au détriment de l’équivalent du PTB par exemple.
Mais il ne faut pas croire que les flamands veulent la destruction de la Belgique pour autant, malgré que 42% des voix sont allés vers des partis prônant le confédéralisme voire la dislocation du pays. Si je me souviens bien il y a peu encore les sondages étaient plutôt de l’ordre de 25–30% seulement de flamands favorables à de tels extrêmes. Ce qui les attire c’est donc le programme social et économique et non la partie institutionnelle de ces partis.