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J’ai voulu écrire ce petit billet pour faire un retour d’expérience. Je ne veux pas qu’on s’apitoie sur mon sort ou autre, mais simplement faire un petit retour d’expérience, pour montrer qu’il est possible d’avoir une scolarité à peu près normal avec un handicap. J’espère que cela donnera du courage à ceux qui souffrent d’un handicap. Certains souvenirs, surtout les plus anciens, risque d’être un peu flou.
Alors voilà, je suis dysgraphique1. Hein, quoi ? Décomposons le mot. Dys, du grec difficulté, et graphique, l’écriture. Des difficultés à écrire. Bref, en substance, et comme on m’a fait beaucoup remarqué, j’ai une « écriture de médecin ».
Comment on s’est aperçu de ça ? Généralement, on s’aperçoit très rapidement de ce genre de choses : l’écriture est illisible, alors que bon, une fois passé le primaire, c’est censé être acquis. Donc, les profs se sont aperçu rapidement que ce que j’écrivais n’était pas lisible, ce qui posait problème… Surtout pour eux, pour corriger les copies, où ils devaient jouer les Champollion. Pour ma part, j’arrivais à déchiffrer ce que j’écrivais, couplé à ma mémoire. Mais vous en doutez, au-delà de la simple non lisibilité, c’est un peu handicapant : en effet, il y a une charge mentale pour essayer de bien écrire, qui se rajoute à ce qui est déjà fait (prise de notes, réflexion si on écrit une dissertation sur le contenu et éviter les fautes). Vous imaginez bien que cela été dommageable pour ma scolarité. D’une part, une partie de mon mental essayait de « bien écrire ». D’autre part, je n’étais noté que sur ce que les profs avaient compris, donc sur pas grand-chose…
À la demande générale de mes profs, il faut le préciser, on m’a demandé de trouver une solution. Il faut savoir que cet handicap, malgré le passage chez un thérapeute pour corriger ça, reste quand même présent. On peut atténuer certains effets, mais l’écriture restera quand même illisible. Si je veux faire un parallèle, c’est comme avec les dyslexiques qui ont du mal pour lire : ils auront beau faire des efforts, ils auront du mal à surmonter ce problème sans « béquille ».
Mais quelle solution ? Écrire d’une manière excessivement lente pour permettre un semblant de lisibilité (et encore…), ce qui rendrait impossible les tâches scolaires (vu qu’il y a un temps imparti ?). Impossible. Surtout que c’est quelque chose de quand même fatiguant. Écrire des lignes et des lignes, pour « apprendre à bien écrire » ? C’est contre-productif, ça fatigue pour rien, et tous les médecins spécialistes de la question diront que ça sert à rien… Dédicace à mes profs de primaire qui m’ont fait écrire des kilomètres comme ça. La solution trouvée avec l’ergothérapeute (la personne gérant ce genre de troubles), c’est la mise en place d’un ordinateur. Après quelques cours de dactylographie (et bien sûr, des cours pour tenter d’apprendre à mieux écrire manuellement, même s’il est impossible de faire des miracles). Vous allez me dire, chic, c’est super ça ! Vous avez raison, avec le recul. Mais c’est pas fait sans heurt.
La première barrière, c’était moi. En effet, quand on est en 4e, et qu’on est le seul avec un ordinateur, on se singularise. Or, quand on est adolescent, la seule chose que l’on veut, c’est rentrer dans le moule, « être comme les autres », pour ne pas se faire exclure. Il m’a fallu le second semestre de 4e (quand ça c’est mis en place) et une partie de ma 3e pour ne plus me sentir trop « différent ». Mais elle s’est atténuée au lycée, et a disparu à la fac (tout le monde à un ordinateur).
La seconde barrière, c’est paradoxalement les profs. Ils pensaient que ça allait être un outil de triche. Bien sûr, mes résultats scolaires ont été sensiblement améliorés. Quand on arrive à relire ses cours, et qu’on a plus la charge mentale de l’écriture, bien entendu. Ils avaient peur aussi de la triche aux examens, ce qui est légitime, vu que mes cours sont pris avec un ordinateur. Ce qui a été fait, c’était le prêt d’un ordinateur pour les examens (des fois ils oubliaient… J’ai fait avec mon ordinateur perso , mais bon, à un moment, les profs ont confiance).
Globalement, que ça soit au collège, au lycée, et à la fac, il faut toujours batailler avec l’administratif pour se faire reconnaître le handicap. Mais en ayant un certificat médical et en faisant les démarches administratives nécessaires en début d’année, ça passe. Les profs sont globalement bienveillant (et dans le pire des cas, comprennent une fois qu’ils ont tenté de lire mon écriture manuscrite !), et les élèves aussi.
Maintenant, dans ma vie de tout les jours, est-ce un handicap ? La plupart de mes écrits sont maintenant dactylographié. Les seuls moments où ça coince, c’est quand je dois remplir un formulaire papier (vous êtes sérieux, en 2019 ?), ou quand je dois prendre des notes papiers car sur le terrain (mais couplé avec ma mémoire, j’arrive à me relire le plus souvent… Mais j’appréhende toujours ces moments. Mais j’ai quand même envoyé des cartes de vœux manuscrites cette année, et mes correspondants ont eu l’impression de faire un escape game :-)
Que retenir de cette expérience ? Vous pouvez être handicapé d’une manière ou d’une autre, mais ce n’est pas grave ! Ce n’est pas une fatalité, et en trouvant des chemins de traverse, et avec beaucoup de persévérances, vous arriverez à surmonter cet handicap, et même parfois dépasser les « personnes normales ». Souvent, la principale barrière, c’est nous, et le peur du jugement. Mais il ne le faut pas, généralement les jugements négatifs sont une méconnaissance du problème. En expliquant factuellement, le regard de l’autre devient bienveillant. Si vous êtes prof ou parent, au lieu d’avoir des phrases assassines et validistes (« mais tu peux faire un effort ») ou en ayant un comportement infantilisant et condescendant (« pauvre chou, fait pas ça »), proposez plutôt des solutions concrètes pour contourner l’obstacle, en vous documentant. Par exemple, pour les dyslexiques, il existe une police d’écriture spéciale pour les aider à lire.
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Et en plus gaucher…
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