Claviers français : deux nouvelles dispositions normalisées !

L’Afnor nous propose BÉPO et un nouvel AZERTY

Une disposition de clavier : pourquoi normaliser ça ?

En France, les claviers disponibles respectent la disposition dite AZERTY, du nom de la première rangée de lettres. Cette disposition est un antique héritage des machines à écrire mécanique, et présente plusieurs problèmes :

  1. Elle ne permet pas de dactylographier correctement le français : il lui manque généralement les majuscules accentuées (qui ont pleine valeur orthographique en français), des caractères comme œ ou æ1 un certain nombre de signes de ponctuation comme l’apostrophe 2 ou les guillemets français « et ».
  2. Elle n’autorise pas l’écriture des langues européennes, parce qu’il manque énormément de symboles (y compris en restant dans les alphabets latins).
  3. Elle est mauvaise en matière d’ergonomie, ce qui peut entrainer ou renforcer des pathologies chez les personnes qui doivent taper beaucoup.
  4. Certains caractères presque inutilisés sont très accessibles, dont le fameux ù qui a une touche pour lui tout seul alors qu’il n’existe que dans le mot « où ».
  5. Selon le vendeur de matériel, il y a des différences significatives dans le placement des touches qui ne sont pas des lettres (en particulier sur Mac).

Et donc un jour de 2015, l’Afnor, qui gère les normes en France, a décidé un beau jour que mettre un peu d’ordre et de méthode dans tout ça serait une idée intéressante.

Ainsi, après de longues consultations publiques et techniques, et de moult reports, l’Afnor a sorti, ce 2 avril 2019, une norme concernant les dispositions clavier pour la France.

Deux dispositions pour les gouverner tous…

Mais attends… pourquoi deux ?

Par pur pragmatisme. L’Afnor devait tenir compte des contraintes suivantes :

  • La disposition AZERTY est inefficace ;
  • mais est connue du plus grand nombre ;
  • et dans les utilisateurs on trouve un emploi particulier : les développeurs informatiques, qui tapent beaucoup et utilisent des caractères assez différents d’un usage orienté texte.

Comme il est impossible de demander à des dizaines de millions de Français de complètement réapprendre à taper, ils devaient normaliser une disposition proche de l’usage actuel.

Pour des questions de cohérence et pour les générations futures, ils ont décidé aussi de proposer une norme ergonomique, qui éliminerait les problèmes inhérents à la répartition des lettres d’AZERTY. Et la base de cette disposition existait déjà depuis 2003, c’est BÉPO.

Voici venir la norme Z71–300 sur le clavier français

Elle est intitulée « Une norme volontaire pour faciliter l’écriture de la langue française, des langues régionales et des langues européennes à alphabet latin ». Ce qui est un peu long, mais particulièrement clair.

La norme elle-même est payante(257,70 € hors-taxe pour 3 utilisateurs au sein d’un même établissement, à l’heure où j’écris ces lignes).

Cela dit on trouve un dossier de presse très intéressant qui présente bien le pourquoi du comment de cette norme, et de ce qu’elle apporte. Dans le souci d’éviter les paraphrases, je ne peux que vous inciter à le consulter.

Concrètement, pour moi, qu’est-ce que ça change ?

Pour l’instant, rien. Et même quand elle sera intégrée à nos différents systèmes d’exploitation, vous n’aurez pas besoin de changer de clavier. Il suffira d’activer la nouvelle disposition, et d’imprimer une carte de cette disposition comme aide-mémoire en attendant de l’avoir apprise.

Si j’utilise AZERTY

L’Afnor propose un excellent site qui permet de voir toutes les différences, de manière dynamique.

Ils y expliquent aussi comment la nouvelle disposition AZERTY a été conçue, et les usages des divers caractères dans un contexte formel, informel et de programmation.

Dans les changements les plus importants, on trouve :

  • Une disposition bien plus logique des caractères spéciaux ;
  • Un regroupement des paires de symboles (( et ), [ et ]…) ;
  • Un accès direct à @ ;
  • La disparition des notions bizarres de « tiret du 6 » et « tiret du 8 » (tous les tirets sont déplacés).

On sent une certaine influence des travaux de BÉPO, et certains détails ne devraient pas surprendre les aficionados d’Apple.

Si j’utilise BÉPO

Les changements sont détaillés ici, mais sont minimes.

Le plus important que je vois est l’inversion des apostrophes droites ' et courbes .

Si je suis développeur

Ces dispositions sont prévues d’abord et avant tout pour écrire du texte et non du code. Les dégâts sur l’accessibilité des caractères utiles en informatique ont été limités, mais ça ne devrait pas être plus confortable qu’avant de développer avec une de ces nouvelles dispositions.

Au contraire, la disparition de l’apostrophe droite des accès simple (sous altgr en BÉPO, à la place de l’actuel ° en AZERTY) peut être pénible pour les quelques langages qui en font un usage massif.


  1. Qui sont différents des digrammes oe et ae.

  2. L’apostrophe droite ' accessible sur tous les claviers a la particularité intéressante de n’exister dans aucune langue du monde, ou presque…



Parce que la disposition française AZERTY actuelle ne satisfait personne, l’Afnor a décidé de produire une norme (NF Z71–300) avec deux variantes pour les futures dispositions clavier : une ergonomique, BÉPO, et une compatible autant que faire se peut avec l’existant, AZERTY nouvelle version. Le but de ces deux normes est de pouvoir taper le français le plus facilement possible et dans sa version la plus stricte, toutes les langues européennes à script latin, sans trop pénaliser la programmation.

Liens :

32 commentaires

Les logiciels correctement programmés sont déjà adaptés : soit ils ont besoin d’entrées textes et ils prennent ce que donne le mapping texte au niveau du système d’exploitation ; soit ils ont besoin d’entrées d’emplacements physiques sur le clavier (cas typique : les jeux) et devraient être mappés sur les codes des touches physiques.

Évidemment on va avoir la palanquée habituelle de jeux dont le système d’inputs est programmé avec les pieds et ne supporte que le QWERTY US, mais ça on a déjà l’habitude.

Personellement j’ai plusieurs logiciels que j’utilise au travail ou chez moi qui ont déjà du mal à fonctionner correctement en dehors du qwerty américain… A tel point que j’envisage de me mettre une fois pour toute au qwerty.

J’ai du mal à comprendre pourquoi ce serait à l’utilisateur de s’adapter au logiciel. Surtout quand on en arrive à ce niveau !

J’ai du mal à comprendre pourquoi ce serait à l’utilisateur de s’adapter au logiciel. Surtout quand on en arrive à ce niveau !

Parce que je me dis que c’est pas la peine d’espérer que des boîtes telles que Autodesk, Adobe ou Epic Games se réveillent tout à coup alors que ça fait des dizaines d’années qu’ils en ont rien à péter.
En attendant cet hypothétique évènement je dois passer systématiquement une journée à chaque changement de poste ou mise à jour pour paramétrer correctement chaque logiciel pour pouvoir l’utiliser à peu près correctement avec un azerty. Chose qui n’est jamais faisable à 100% et rarement juste en changeant un paramètre dans un coin.

Je me dis que c’est plus simple pour moi d’apprendre à utiliser un QWERTY, surtout si je compte atterrir chez Pixar un jour. :-°

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J’ai beaucoup de mal à me dire que je dois me ré-habituer à un nouveau clavier. Je pense que c’est bien pour les nouveaux utilisateurs, les jeunes qui vont apprendre directement avec ce clavier mais pour ma part, je pense que je vais perdre beaucoup trop de temps à tout ré-apprendre

Puisque ce sujet revient en une : plus de deux ans après, le clavier LDLC mentionné ci-dessus semble toujours être le seul existant avec un layout AZERTY normalisé imprimé physiquement, et la disposition n’est toujours pas disponible par défaut dans un Windows 10 à jour (21H2) – ce qui est un double problème parce que Windows 10 a tendance à supprimer les dispositions personnalisées lors des mises à jour. Quant aux claviers imprimés physiquement BÉPO, c’est toujours des produits de niche.

Les deux dispositions (BÉPO et AZERTY) normalisées sont par contre bien présentes sous Ubuntu 20.04.

La norme est payante, qu’est-ce que ça veut dire ? C’est comme un brevet ou un copyright, il faut acheter des droits d’exploitation pour les constructeurs ou logiciels qui l’implémentent ? Quel est l’intérêt que ce soit une "norme" alors ?

Vince

Le site de l’AFNOR propose une réponse à cette question. En très gros résumé, il s’agit d’une norme volontaire et non réglementaire, et donc ils la font payer pour des raisons que je vous laisse lire et dont je vous laisse seul juge.

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