La critique de The conversation est caricaturale à souhaite (comme les réponses de la plupart des économistes atterés, en particulier celle d'Orléan). Explication en quelques points :
- Il fait semblant de s'offusquer du titre du livre, alors que Cahuc a expliqué en long et en large le pourquoi du comment. Le terme de négationnisme économique fait référence au terme de négationnisme scientifique, couramment utilisé. On peut éventuellement dire que le titre est un poil discutable, mais jouer les effarouchés comme le font la plupart des réactions témoigne une mauvaise fois évidente.
- Cahuc ne prétend nul part qu'il existe beaucoup de vérités en économie, il défend juste l'usage de la méthode scientifique : évaluation économétrique et publication controllées par les paires. Il est le premier à dire que la base de la culture scientifique est le doute (réfutabilité de Popper). Là encore la critique de l'auteur est caricatural à souhait.
- La défense de la baisse des charges sur les salaires moyen est ici ridicule. L'auteur défend son institution mais est incapable de citer la moindre théorie ni source académique. Il se borne au vague argument de la compétitivé (lol) et à citer une étude d'un Think thank (best référence scientifique EU).
- Il parle justement du CICE, dont les premiers travaux publiés cette semaine montrent clairement l'ineficacité. Comme c'était plus ou moins prévue par la plupart des économistes mainstream.
La plupart des critiques publiées sont dans ce genre. On tombe à a chaque fois dans la caricature ("ils sont des nazis ils veulent nous éliminer") et l'ignorance des bases de la recherche scientifique. La plupart des critiques s'adressent surtout à leur propre camp pour montrer qu'ils se défendent et ne se laissent pas critiquer ainsi. D'ailleurs la plupart des débats organisés invitent systématiquement des économistes des deux camps, comme si le débat était équilibré. Alors que l'immense majorité des économistes académiques sont adeptes de la méthode scientifique décrite par Cahuc. Exactement le même cas de figure que pour les débats sur le climat : on invite à chaque fois 1 pour et 1 contre, pour donner l'illusion au public d'un débat égal et non tranché.
Une source de confusion probable est l'assimilation faite entre les économistes académiques, c'est à dire des chercheurs et les économistes professionnels (banques, institutions…) qui eux sont très présents dans les médias et tiennent un discours "libéral" sans pour autant faire de cherche. Ce qui les conduit à avoir souvent une vision caricaturale et biaisée de l'économie et à transmettre cette idée courante chez le public d'économistes tous ultra-libéraux ou tous en faveur de la déréglementation. Par exemple l'autre jour sur On est pas couché l'invité est présenté comme "économiste" alors que c'est un simple essayiste. On présente d'ailleurs souvent des gens comme Minc ou Attali comme économistes ce qui entretient cette confusion. Ainsi Minc ne mérite nullement le titre d'économiste. A l'inverse quelqu'un comme Piketty qui est un économiste de gauche dénonce les inégalités et suit la démarche scientifique (publication et vérification des faits). Donc il existe une vraie diversité de pensée dans l'économie mainstream. On retrouve cette diversité au sein même des prix Nobel attribués, le dernier exemple récent étant la double nomination de Shiller et Fama qui ont des visions opposées sur l'efficacité des marchés financiers.
Dommage que le débat public tombe souvent dans la caricature et l'opposition, par ignorance de la plupart des journalistes de l'état actuel de la science économique…
La critique de Xavier Ragot est déjà largement plus intéressante et argumentée.