J'ai l'impression qu'au fond, ce qui te gène, c'est que dans le mot "matrice", on pense directement à l'addition, à la multiplication, aux applications linéaires, en bref, déjà aux structures habituelles qu'on pose sur les matrices, puis aux applications des matrices.
Pour les applications, je pense que ci-dessus, on a trouvé pas mal d'exemples où les matrices ne s'appliquent pas aux transformations linéaires.
Laisse moi t'en raconter un, plus personnel mais qui je pense peut faire sens.
Un jour, pour coder un rubik's cube sur ma calculatrice (parce que tout le monde fait ça quand il s'ennuie), je me suis posé la question de "comment mettre en mémoire la position du cube en un instant donné ?"
Déjà, j'ai trois gros choix dans cette calculatrice pour enregistrer des nombres/ensembles de nombre : les matrices, les listes et 26 variables (chacune des lettre de l'alphabet)
Bon, alors les variables, on oublie, parce que déjà il y en a pas assez, et en plus j'en utilise déjà la moitié pour d'autres fonctionnalités du programme.
Les listes, c'est pas tellement optimal à utiliser…
Bref, du coup, assez rapidement, j'ai choisi d'utiliser des matrices 3x3 : une par face du cube, donc 6 matrices, et dedans je vais mettre des nombres de 1 à 6 (en fonction de la face).
Là, si je suis ton idée [si je la comprend bien, n'hésites pas à me corriger si j'ai faux], ou si je suis la mienne de l'époque, j'ai en quelque sorte pris le concept de "matrice" de ma calculatrice, et je lui enlève le sens supplémentaire pour ne l'utiliser qu'en tableau de nombre : ben ouais, moi j'avais juste besoin de tableaux de nombres 3x3, j'avais pas besoin que ce soit en plus des matrices…
Bon, et puis j'ai un peu avancé dans mon programme, et puis, un moment, pour des besoins de rotations, j'me suis aperçu que j'avais besoin de faire cette opération sur mon tableau :
$$\begin{array}{ccc}
a & b & c \\
d & e & f \\
g & h & i \\
\end{array}
\mapsto
\begin{array}{ccc}
g & d & a \\
h & e & b \\
i & f & c \\
\end{array}$$
Bon, et là j'me prends la tête assez longtemps, je commence à coder un cas de rotation en dans un sens, j'le teste, je trouve que le programme est lent, ça me saoule, je rage.
…Et puis un jour, j'me dit "eh mais attend, je les ai codé en tant que matrices ces trucs, et si j'utilisais des opérations de matrices, ça doit être un peu plus optimisé dans ma caltoche non ?"
Et là, miracle, je fais deux-trois tests, quelques calculs, et je me rend compte que pour toutes mes rotations, et même toutes les autres transformations, j'avais besoin en tout de 3 ou 4 matrices, et ensuite selon le côté par lequel je les faisait agir ou la succession avec laquelle je les faisait agir, j'avait toutes les transformations dont j'avais besoin dans tout mon programme (et je n'avais pas seulement besoin de rotation/symétrie centrale, mais aussi de quelques symétries axiales, de prendre seulement une colonne/ligne ou deux, etc.), tout ça uniquement grâce au produit matriciel et à l'addition matricielle.
Et c'est là où je me suis rendu compte, qu'en fait, c'est pas que j'avais pris les matrices pour les utiliser en tant que bêtes tableaux de nombres, non, c'est que un tableau de nombres ou une matrice, c'est exactement la même chose.
Après, on peut définir une addition, sur ce tableau de nombre : je prend les deux nombres qui sont à la même ligne et la même colonne dans les deux matrices et je les additionne.
On peut aussi définir une multiplication : je fais une somme de pas mal de produits de coefficients biens choisis.
Mais ces deux définitions sont arbitraires : on les a fixées, parce que c'est plus pratique comme ça, mais on aurait très bien pu les définir autrement, ça n'aurait pas changé la nature de nos tableaux de nombres, ça aurait juste changé la manière dont on ira les utiliser…
Dans mon exemple, j'ai bien enregistré des tableaux de nombres, et pas des matrices, c'est juste des tableaux qui contiennent certaines valeurs en fonction de si telle pastille du cube est bleue, rouge, orange, jaune, blanche ou verte, rien à voir avec l'algèbre linéaire ou quoi que ce soit…
…Sauf qu'utiliser les multiplications/additions sur les tableaux de nombres, ceux auxquels on pense quand on pense au concept de matrice, m'a beaucoup aidé, parce que ce sont des transformations, assez simples à calculer, et qui permettent de faire pas mal de choses, mine de rien
Tout ça pour dire, que depuis tout à l'heure, je fais une grosse distinction qui n'a pas lieu d'être : une matrice, c'est juste un tableau de nombres. C'est pas parce qu'on a défini dessus une addition, une multiplication, ou qu'on les utilise en algèbre linéaire, que ça change de nature de base.
De la même manière, quand un animateur compte les gamins qu'il a en face de lui pour voir si il en a pas perdu un au passage, il en a rien à foutre que tu puisse définir sur $\mathbb{N}$ une multiplication et une puissance ! C'est pas parce qu'on peut définir une multiplication SUR les nombres, que le concept de nombre contient en son essence l'idée d'une multiplication intrinsèque… Eh bien c'est pas parce qu'une matrice c'est juste un tableau de nombres qu'on doit forcément penser à algèbre linéaire ou multiplication matricielle quand on parle d'une matrice…