Il me faut clarifier les choses. Il n'y a point d'utilisation des connaissances sans connaissance. Si la maitrise de la manipulation des connaissances provient de l'entrainement sur des petits exercices par exemple, il est plus difficile de savoir les utiliser en dehors des contextes dans lesquels on les a deja utilise (ce qui est pourtant a mon sens l'enjeu de n'importe quel cours et de l'education en general). De la meme maniere, si les petits exercices bateaux sont la pour acquerir des automatismes et ancrer la connaissance et sa manipulation / utilisation basique dans le crane de l'eleve, c'est a mon sens un objectif bien minimal de l'education.
Concernant le prof qui refuse de faire des exos de base et met la barre directement très haut, c'est débile.
Il ne refuse pas. Il considere que ces exercices ils doivent etre faits (et c'est un must be et pas un can be) par les eleves et pour chacun individuellement (ce qui n'est pas en opposition avec le travail de groupe, mais veut simplement dire "sans le professeur", celui-ci ne devant pas etre un simple gendarme la pour forcer l'apprentissage des connaissances basiques) pour atteindre cet objectif minimal d'automatisme et eventuellement de comprehension (souvent dans le cas des mathematiques il arrive qu'une demonstration ne soit comprise sur le moment dans le cours, alors qu'un petit travail de relecture, crayon en main, voire de recherche d'une preuve alternative sur Internet ou ailleurs, permette de comprendre). Et la ou je trouve que c'est trea malin, c'est que cela laisse parfaitement la place a toutes les methodes personnelles que l'on juge efficace pour apprendre ou comprendre. Certains se contenteront de lire le cours, voire n'en auront pas beosin, d'autre auront besoin de faire quelques exercices types sur un domaine particulier du cours, exercices que l'on trouve partout dorenavant sur internet.
Le TD est alors une discussion entre eleves et le professeur pour reexpliquer, d'une autre maniere, illustrer des concepts abstraits par des exemples concrets, aller plus loin, et ensuite poser des exercices qui demandent une synthese et un depassement des connaissances. Je trouve cela bien plus malin dans le sens ou de toute maniere, en tout cas en sciences, les examens ou les concours sont fait pour proposer des exercices qui vont au dela de ce qui a ete vu en cours (combien de fois peut on voir ce genre d'image de la part des eleves: https://s-media-cache-ak0.pinimg.com/736x/e5/e0/d5/e5e0d51fb7008dea960c2dc5af1578c7.jpg ). Au final on etait largement mieux prepare aux examens que par n'importe quel autre cours. Bon, je dois reconnaitre que c'est moins le cas du lycee ou le bac au final est un simple control des connaissances, souvent meme plus simple que ce qui q ete vu mais on peut tout de meme critiquer cet etat de fait, surtout en prenant en compte le choc que peut etre les attentes du superieur de ce cote la.
On fait pas l'ascension du Ventoux pour s'initier à la randonnée ! C'est un coup à finir dans un ravin… On n'a pas tous besoin d'autant d'exos d'application bêtes et méchants, et je suis le premier que ça faisait chier de faire 15 exos où il faut juste calculer des dérivées ordinaires avant de passer aux choses intéressantes. Mais même si c'est juste un peu, il faut quand même s'entraîner à mettre en pratique les connaissances théoriques acquises. Et ensuite, face à des exos « en situation réelle », on commence par de l'abordable, c'est la base.
Si tu me lis bien, tu verras que ce n'est pas incompatible. En general le processus classique pour preparer un examen c'est "cours -> exercices simples -> annales d'examen".
Traditionnelement les deux premieres etapes sont suivis par un prof alors que les dernieres le sont rarement. Dans le cas du prof que je decris, c'est l'inverse plus ou moins puisqu'il considere que l'on peut faire la partie "facile" seul (en notant qu'il est tout de meme la pour repondre aux questions, en dehors des cours, par email ou meme dans le TD, en marge) et tend la main du sommet de la montagne pour t'aider a grimper la ou tu ne pourrais y arriver seul, pour reprendre ton analogie. Alors il y a deux critiques a emettre par rapport a ce que je viens de dire:
- Cela suppose un interet profond des eleves pour leurs etudes et surtout, une autonomie et methodologie de travail, ce qui n'est pas evident d'obtenir les deux premieres annees d'etudes puisque cela s'apprend (et clairement je pense que son approche etait un peu trop tot dans le cursus par rapport a la configuration presente des etudes en France).
- Cela suppose de ne pas preparer de concours (j'ai mentionne une prepa mais il s'agissait d'un cycle integre, et donc pas de concours, et donc aussi la possibilite d'aborder les choses plus pour soi que pour une epreuve d'entree).
Mon prof de paléographie était comme le tien : il embrayait direct sur des exos difficiles, sans passer par les étapes intermédiaires. Et c'est un terroriste. Bordel, passer 8 putain d'heures à 3 cerveaux pour ne pas arriver à déchiffrer complètement un manuscrit de 30 lignes, c'est juste pas humain ! Et au final, ce n'est pas en planchant sur ses exercices tellement absurdement difficiles qu'ils en étaient frustrants que j'ai réussi à lire l'écriture XVIIe, c'est en passant plusieurs mois à ne lire que ça, pour le boulot.
Je ne sais pas pour ton professeur mais la situation que tu decris ne correspond pas a celle que je decris, dans le sens ou le professeur qu'etait le mien, bon ami desormais, ne proposait pas de formule classique de TD avec une fiche d'exercices, difficiles, et te laissait reflechir (ou pas) pendant 2h sachant la frustration que cela pouvait etre de ne pas capable de ne serait-ce comprendre ce que l'on attend de nous. Au contraire, il arrivait et sa premiere question etait : "qu'est-ce que vous voulez faire ?". Et de fil en aiguille, par sa culture et sa connaissance profonde du sujet, il pouvait amener sur un tas de choses tres tres interessantes, et difficiles, mais faisables avec pour supposition que le cours etait compris et maitrise.
Quant à l'autre, il sombre dans l'excès inverse. Autant il faut savoir laisser une place aux exos de simple application, autant il ne faut pas en faire un mantra. Quand tu en viens à passer plus de temps à apprendre la forme que le fond, c'est qu'il y a un problème. En prépa, en latin, on avait toutes les semaines des contrôles de grammaire sur un chapitre donné. C'est évidemment nécessaire, et objectivement le seul moyen que le bagage de par cœur indispensable à la maîtrise de la langue soit acquis. Mais les contrôles vérifiaient l'acquisition du contenu du savoir, ils ne cherchaient pas à vérifier si on avait retenu la formulation exacte de la règle utilisée par le manuel ou l'exemple exact donné.
C'est une autre approche. Dans le ce second professeur, qui n'enseignait que de L3 a M2, le cours etait tres classique et le TD egalement fait de petits exos. Par contre, il attendait aux examens la capacite de l'eleve a depasser son cours. Or, il s'est appercu que la majorite des eleves se mangeaient des toles phenomenales non par parce qu'ils etaient stupides mais parce qu'ils ne connaissaient pas le minimum vital pour se mettre reellement a reflechir et produire du contenu interessant. Du fait, conscient de cela et mais aussi de l'alea de la difficulte lie a un probleme nouveau (il arrive qu'on ait aucune affinite avec un probleme, de ne pas etre tres inspire), il proposait une formule "parachute" ou l'on pouvait obtenir tres proche de la moyenne en ayant montre une capacite a apprendre, moyenne atteignable alors par un petit effort intellectuel. De l'autre, il n'etait possible d'obtenir de tres bonnes notes qu'en ayant une parfaitre maitrise des concepts et en etant capable de depasser la simple application. En fait, la note sur 20 se transformait en quelque chose de beaucoup moins classant, qu'on pourrait diviser en seulement 3 categories:
- meme pas les connaissances requises (par rapport aux attentes du programmes) = en dessous de la moyenne
- connaissances requises et un effort minimal d'application / comprehension = autour de la moyenne
- parfaite maitrise des concepts = bien au dessus de la moyenne
Et on ne s'y trompe pas, ceux qui ont en dessous de la moyenne n'etaient jamais ceux qui reussisaient les exercices mais foiraient la partie "recitation", alors que l'inverse tombe sous le sens.
Quand je dis formulation "exacte", ce n'est pas tout a fait vrai. Le mot d'ordre etait toujours "avec vos mots, mais avec une precision chirurgicale", mais le probleme se pose qu'en mathematique, la petite inversion d'un signe peut tout changer au sens, et qu'il n'y a pas d'homonyme dans les mathematiques et les formulations sont souvent emprunte de semantique autant que les mots - du coup il y a moins de place pour un brodage personnel, ce qui n'est pas forcement le cas de tous les domaines, je l'admets bien volontier. Par contre, ce n'etait pas de question du style "Donner le theoreme X" mais plutot "Classification des etats d'une chaine de Markov" auquel cas l'etudiant devait donner precisement ce qui lui paraissait pertinent sur le sujet, sans trop de detail mais tout de meme ceux necessaires la comprehension. Donc la encore le terme que j'ai utilise (recitation) est un peu faux puisqu'il s'agissait plus d'une organisation des connaissances - mais celles-ci ne demandent pas de savoir utiliser les notions, simplemment de les connaitres precisemment et a fortiori de les comprendre un minimum.
TL;DR : les élèves n'ont pas tous les mêmes besoins ni les même facilités face à différents types d'exos (par exemple, je suis assez mauvais en exos de vocabulaire, parce que je ne suis pas très doué pour apprendre par cœur des infos décontextualisées) et il est criminel de la part d'un prof de privilégier exagérément une forme d'entraînement sur les autres, au motif que « ils y arriveront mieux comme ça ».
TL;DR : les connaissances sont un pre-requis, et, apres avoir donne les clefs methodologiques aux etudiants pour pouvoir travailler seuls et utiliser la methode qui sera la plus efficace pour eux, decaler le prof vers sa plu-value (aka, exercices plus difficiles, meilleure preparation aux examens, connaissances connexes aux sujets abordes), me semble une reforme necessaire pour 1) optimiser l'apprentissage personnel de chacun, 2) renforcer les "competences" des etudiants, 3) proposer un enseignement plus "pedagogique".
J'espere avoir ete plus clair dans mon propos (c'est toujours assez difficile de partager des experiences vecues sans oublier les details importants).