Je suis pas un pro en élec (j’ai des bases, je sais câbler des trucs, mais ça s’arrête à peu près là) mais je viens de voir une vidéo sur la Hyundai Ioniq 5 et une info a piqué ma curiosité : apparemment elle utilise son moteur pour transformer l’input 400V en 800V pendant la charge sur les chargeurs qui ne sortent que 400V (les 50 kW habituels en gros)… et chargerait ainsi plus vite que les autres voitures sur ces mêmes chargeurs.
J’imagine bien qu’on puisse faire tourner le moteur avec l'input 400V et profiter de la génération (comme au freinage) pour générer un output de 800V… mais ça ferait beaucoup de pertes/chaleur, non ?
Je me pose donc la question de comment ils ont pu faire ça… vous avez des idées ?
Pour faire court, ça ne ferait pas beaucoup de pertes en chaleur, parce que les rendements des moteurs électriques ainsi que des alternateurs de cet ordre de puissance sont très élevés (souvent supérieurs à 99%). L’alternative serait d’avoir recours à de l’électronique de puissance, qui aurait un rendement assez comparable… mais qui nécessiterait du matériel supplémentaire.
Par contre l’explication de "ça permettrait de charger plus vite sur le même chargeur 50kW", ça m’a l’air louche : 50kW restent 50kW, quelle que soit la tension par ailleurs.
What the motor is capable of doing, is operating as an inverter. So will transform that 400V input into an 800V input. This is how it was explained to me. Which means you can charge faster than other cars charge on a 400V input. […] But the inverter is the electric motor.
Ma traduction :
Ce dont le moteur est capable, c’est de fonctionner comme un onduleur. Donc transformer ces 400V en entrée en 800V en entrée. C’est comme ça qu’on me l’a expliqué. Ce qui signifie qu’on peut charger plus vite que n’importe quelle autre voiture sur du 400V. […] Mais l’onduleur est le moteur électrique.
Bon, entre nous, ça ne veut pas dire grand chose. Un moteur convertit de l’énergie électrique en énergie mécanique et un onduleur convertir de l’énergie électrique en énergie électrique. D’ailleurs, j’ai traduit par onduleur, mais les convertisseurs sont en général pilotables et donc c n’est pas forcément rigoureusement un onduleur (par exemple si c’est réversible).
Du coup, j’ai cherché un peu d’info de la part de Hyundai, les constructeurs aiment bien souvent parler de comment ils sont forts. J’ai trouvé un communiqué de presse. On y apprend que la batterie est en 800V et qu’il peuvent faire la recharge sans équipement dédié sur du 400V en impliquant le moteur et l’onduleur.
E-GMP offers 800V charging capability as standard and enables 400V charging, without the need for additional components or adapters. The multi-charging system is a world’s first patented technology which operates the motor and the inverter to boost 400V to 800V for stable charging compatibility.
On y parle d’un brevet, ce qui est génial, vu qu’ils sont publics. Je pense avoir trouvé le brevet en question : US20200361323A1. J’ai parcouru très rapidement. En gros, l’idée est de réutiliser les bobines du moteur, l’onduleur de traction et quelques transistors de puissance en plus pour faire un convertisseur boost, sans rajouter trop de composants inutiles. On profite de tous les composants qu’on a au maximum en ajoutant la possibilité de changer de topologie.
Si j’ai un peu plus de temps, je lirai le brevet plus en détail.
Ce genre d’astuce n’est pas rarissime dans l’automobile. Dans mon ancien job, mes collègues cherchaient aussi à combiner deux fonctionnalités en une avec ce genre d’astuce pour faire un produit moins cher et plus compact. Sur la Ioniq, ça évite d’avoir un convertisseur dédié en plus pour le 400V pour faire de grosses puissances, ce qui semble être le cas sur la Taycan (charger en 400V à bien plus de 50 kW).
Donc ça utiliserait bien le principe que j’ai décrit dans mon premier message ? Je savais bien que c’était des procédés efficaces, mais je pensais pas à ce point !
Je comprends rien au schéma (j’ai pas fait d’élec depuis les cours de physique du lycée et j’en ai oublié une bonne partie), mais je suis curieux de ton retour sur le brevet @Aabu
Alors ce n’est pas ce que tu décris dans ton premier message, parce que le moteur ne tourne pas (j’imagine qu’il y a un frein ou autre pour garantir qu’il ne bouge pas). Il n’y a pas du tout de conversion vers de l’énergie mécanique. Un moteur, tant qu’il ne tourne pas, ce sont juste des bobines (arrangées d’une manière très particulière).
Ceci dit, c’est pas une idée farfelue. Le monde de la conversion électrique de puissance est très riche et il existe plein de types de convertisseurs différents. Il y en a même toute une famille de convertisseurs électriques avec des éléments mécaniques, comme les cyclo-convertisseurs (convertisseur de fréquence avec un moteur ) ou même des convertisseurs DC/DC fait avec des machines à courant continu accouplées (un peu tombé en désuétude ceux-là).
Du coup, j’ai lu un peu le brevet et je peux expliquer un peu plus leur tambouille.
Toute la partie gauche, c’est une alimentation de moteur habituelle :
11 : une batterie
Rmain : relais principal pour connecter ou déconnecter la batterie (fermé en fonctionnement)
Cdc : un condensateur pour lisser la tension qui peut sinon varier trop suite à des appels de courant du convertisseur
12 : le convertisseur DC/AC, avec trois branches pour alimenter chaque phase du moteur
13 : le stator du moteur vu comme un appareil électrique (trois bobines, une pour chaque phase)
R1, R2, R3 sont probablement tous ouverts quand la voiture roule.
Sur ça, il n’y a pas de choses très spéciales. Presque tous les moteurs synchrones sur batterie ont une électronique qui ressemble à ça de près ou de loin.
Ensuite, la partie droite est celle un peu plus amusante :
20 : la borne de recharge, en gros un peu plus de 800V DC (400V DC) qui sortent de là
R1, R2, et R3 qui permettent de changer la configuration.
Le brevet raconte que pour le 800V, on ferme Rmain, R1 et R3. Dans ce cas, la borne fournit du 800V directement à la batterie (modulo le fait que la voiture et la borne communiquent pour faire ça proprement).
Pour le 400V, on ferme Rmain, R2 et R3. Dans ce cas-là, on a en fait une configuration de convertisseur boost typique, qui permet donc d’augmenter la tension d’entrée pour correspondre à ce qu’attend la batterie.
Le brevet (comme tous les brevets) raconte aussi plein de machins de manière obscure pour couvrir plein de cas d’utilisation divers et variés, et embêter les concurrents.
Ok donc R1 et R3 passent directement à la batterie (si 800V) alors que R2 passe du 400V par le moteur et peut donc permettre de convertir vers 800V et envoyer ça via R3 à la batterie ?
Et en roulant R1, R2 et R3 sont fermés pour avoir du 800V au moteur ?
Je savais pas qu’on moteur pouvait juste convertir la tension en restant statique, je pensais qu’en envoyant du jus ça le faisait forcément tourner (et qu’à l’inverse en tournant il devenait générateur)
Ok donc R1 et R3 passent directement à la batterie (si 800V) alors que R2 passe du 400V par le moteur et peut donc permettre de convertir vers 800V et envoyer ça via R3 à la batterie ?
Oui, quand R1 et R3 sont fermés (et R2 ouvert, et Rmain fermé évidemment), c’est que tu veux envoyer les 800 V de la borne directement sur la batterie pour la charger.
Quand la borne est en 400V, tu veux d’abord augmenter ça à 800V. Dire qu’on envoie ça via R3 n’a pas beaucoup de sens. En fait ce qu’il se passe, c’est que la ligne du bas reste à 0 V, et que la tension sur la ligne de haut sera 800V (alors que le point N sera à 400 V). C’est en jouant avec les interrupteurs S1, S2, etc. qu’on arrive à faire ça. C’est le principe de la conversion boost, mais c’est un peu compliqué à expliquer avec les mains.
Et en roulant R1, R2 et R3 sont fermés pour avoir du 800V au moteur ?
Ils sont ouverts (et pas fermés), et on a bien les 800V de la batterie qui alimentent le convertisseur (12). Autrement 800 V sur la ligne du haut et 0 V sur la ligne de bas. La différence entre les deux fait bien une tension de 800 V en entrée.
Le moteur peut avoir tendance à tourner, mais on peut commander le convertisseur (12) pour que ça n’arrive pas. Le brevet parle explicitement de ça.
Pour la recharge en 400V, le moteur prête juste les bobines de son stator pour faire un convertisseur boost, permettant d’augmenter la tension. Le reste des composants de puissance (S1, S2,…) est apporté par l’onduleur (a.k.a inverter, le numéro 20 du schéma).
Je ne comprends toujours pas comment ça marche.
Si on envoie 400V DC dans une bobine, on a un champ magnétique.
Aucun effet d’induction n’est cité. Je pense qu’on utilise ici l’effet de self.
Sans précautions particulières, on récupère facilement une tension élevée, mais ce n’est pas du tout un courant continu.
Pour mémoire, la bobine de Ruhmkorff
@etherpin, si tu veux comprendre en profondeur, il faudrait que tu apprennes comment un convertisseur boost fonctionne en détail. Pour un aperçu, je te renvoie vers cette partie d’un tuto que j’ai écrit et où j’évoque le fonctionnement d’un convertisseur boost.
Et il faut se méfier de l’expression "courant continu". En particulier, il ne faut pas confondre avec "constant". Dans un convertisseur boost, ni la tension ni le courant n’est constant, mais en commutant les transistors de puissance, on élève la tension en moyenne, et on peut lisser le courant par ailleurs (avec un gros condensateur par exemple). Aussi, il ne faut pas non plus confondre "variable" et "alternatif".
La bobine de Ruhmkorff de ce que j’en découvre, c’est essentiellement un transformateur comme on en rencontre habituellement en courant alternatif. Rien à voir avec ce qu’on a ici (si ce n’est la présence de bobines).
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