Aujourd’hui, on parle d’espoir avec Musée des espoirs. J’ai voulu essayer quelque chose, mais je ne suis pas satisfaite du résultat, je le trouve un peu bancal. Mais il me faudrait du recul pour l’analyser, ce que le format d’inktobre ne me laisse pas.
Jacen, ce que tu dis est intéressant sur le fait que lire une micronouvelle par jour est un challenge en soi m’interpelle, parce qu’il rejoint plusieurs témoignages concordant de personnes qui sont dans le même cas. Je pourrais faire ici de la philosophie ou de la critique morale de bistrot et expliquer sur un ton cynique que « ça en dit beaucoup sur notre société qu’autant de gens ne trouvent pas 10 minutes par jour pour lire un petit texte » mais je vais éviter parce que d’une je l’ai fait en disant que je ne le ferais pas, de deux ça n’aurait pas grand intérêt, de trois il est 21 h passé et je ne peux pas être au bistro à cause du couvre-feu, et quatre vous êtes vraiment arrivés au bout de cette phrase sans mourir ?
Ce que je trouve plus intéressant, c’est de vous expliquer comment j’arrive, moi, à tenir le rythme d’écriture.
D’un point de vue de l’organisation, c’est un marathon : je dois d’une part bloquer assez de temps tous les jours pendant un mois pour écrire une nouvelle (et ça implique de savoir combien de temps ça peut me prendre, cf plus bas et merci le covid), et d’autre part me motiver à écrire un texte chaque jour, même (et surtout si) je n’en ai pas envie. Concernant le rythme, la première difficulté c’est de lancer la machine, et après ça roule tout seul tant que l’inspiration est là. La seconde difficulté, c’est de dépasser les blocages et d’écrire quelque chose, même mauvais, pour réussir à conserver le rythme. Parce que si je m’autorise des trous pour autre chose qu’une vrai bonne raison, je sais que n’importe quelle flemmardise va devenir un prétexte à ne rien écrire, et là tout s’arrête dans une spirale infernale de procrastination.
(Aparté pour Phigger : si un jour tu te lances dans le défi Bradbury, je pense que la clé est exactement là : même si tu as l’impression de faire de la merde, il faut quand même écrire ta nouvelle de la semaine, au moins n’importe quoi pour garder le rythme, dont dépend directement la motivation).
Mon processus d’écriture est le suivant : trouver une idée selon le thème du jour, la structurer en nouvelle, l’écrire, faire les corrections minimales pour que les yeux des lecteurs ne saignent pas trop, publier.
Le point clé là-dedans, c’est trouver une idée et la structurer en nouvelle. L’une des contraintes fortes, c’est que la nouvelle doit pouvoir être écrite dans la journée, donc doit être très courte. Ça interdit tout ce qui est un peu complexe. L’autre contrainte forte, c’est que la nouvelle doit raconter quelque chose. Ça a l’air con dit comme ça, mais c’est sans doute ce qui est le plus compliqué dès qu’on prends en compte la contrainte précédente. C’est très facile d’écrire des textes qui sont des aperçus d’univers, des morceaux d’histoire, des impressions, mais qui ne sont pas une histoire parce qu’ils ne racontent rien, et donc n’ont aucun intérêt en soi (ils pourraient être une partie d’un récit plus grand). Quand il y a deux ans j’ai lu les textes de SpaceFox, je lui ai dit plusieurs fois : « ton truc là, c’est mignon mais c’est pas une histoire, ça ne raconte rien et on se fait chier ». J’essaie d’éviter ça, sans toujours y parvenir.
Une fois que j’ai une idée, je construis l’histoire dans ma tête, jusqu’à ce qu’elle fonctionne correctement. Ainsi, au moment d’écrire, je sais d’où je pars, où est-ce que je vais et comment j’y vais, et ça me permet de me concentrer sur la « technique », même si ça m’arrive de dévier significativement du plan en cours d’écriture. J’essaie d’écrire au plus propre dès le premier coup (qui n’est pas un vrai premier jet, vu le nombre d’itérations qui ont décanté dans ma tête), parce que le format fait que je n’aurai pas de vraie passe de corrections.
Il ne reste plus qu’à relire et corriger vite fait et publier, mais il n’y a rien de passionnant à dire là-dessus.
Pour ce qui est des délais : l’écriture/relecture est assez constante, entre 1 et 2 heures selon la longueur du texte (sauf pour le 21–22 à cause des contraintes de l’écriture pour jeunes enfants). J’ai appris la dactylographie, au moins je ne suis pas ralentie par des considérations mécaniques. La conception de l’histoire est beaucoup plus variable : certaines histoires me sont venues presque naturellement, d’autres fois (comme ce soir) j’ai mis des heures à trouver une idée qui ressemblait à peu près à quelque chose et qui ressemblait à peu près à une histoire. L’avantage, c’est que je peux réfléchir à plusieurs idées en même temps, et que je peux réfléchir à une histoire en faisant autre chose (on sous-estime les bienfaits d’une bonne douche sur l’imagination).
Vous savez que cette explication est presque aussi longue que la nouvelle du jour ?