Mon syndrome "vieux con" au stade terminal me pousserait à dire que c’est nul, et en effet, il me semble un peu complexe de faire de la (bonne) musique sans bases solides en solfège et en harmonie. Cette approche "casualise" (déso pour l’anglicisme, c’est le mot qui traduit le mieux le concepte) la composition : plus besoin d’apprendre les trucs chiants, les notes, les rythmes, etc. : on fait tout "à l’oreille".
J’aurais envie de tempérer un petit peu.
Bon, tout d’abord, on est bien d’accord : la musique, ça demande des bases théoriques, il faut comprendre le rythme, les intervalles, les accords, les bases de l’harmonie, mais ces derniers temps, je remarque que ça demande aussi une sensibilité plus générale, comprendre dans ses tripes le mécanisme de tension et de résolution (qui sont presque complètement indépendants de la théorie) et par exemple le retrouver dans ce qu’on écoute, ou bien dans la réalisation des films et des jeux vidéos, comprendre ce qu’est un motif, comment on peut se servir d’un motif comme de la pâte à modeler pour conjuguer des idées, etc.
Ces choses là demandent de travailler son oreille et sa sensibilité ainsi qu’énormément d’écoute, et sont, dans la pratique, tout aussi importantes que les bases théoriques. Du coup ça ne me choque pas du tout que des logiciels de samples soient utilisés pour apprendre la musique.
Il faut aussi bien noter qu’aujourd’hui, le timbre du son est devenu aussi important que sa hauteur : les accords sont une façon de texturer la musique, les sons en sont une autre, tout autant utilisée. Aujourd’hui, même avec de très bons accords, si un son n’est pas le bon (comme en témoigne sans le vouloir le post d'@Abou ), eh bien ça ne marche juste pas. Du coup ça a du sens d’apprendre à travailler le son : ça demande quasiment 0 théorie, ça ne remplace pas l’harmonie et ces choses-là, mais c’est tout aussi vital.
J’aimerais bien être capable de créer mes musiques de jeux mais pas des musiques à la mario ou sonic mais des musiques modernes, qu’on peut à la rigueur utiliser pour un film.
Hmm, tu sais, il y a beaucoup plus de génie dans la musique que Koji Kondo a composée pour Mario (et qu’on connaît tous), que dans la plupart de celles que tu entends jouées par des orchestres symphoniques dans les jeux récents. Et souvent, les meilleures compos partent de là.
Un exercice auquel je me suis prêté il y a quelques mois, c’était de composer des mélodies avec des contraintes de support. Par exemple :
- Pour une boîte à musique : t’as pas accès à toutes les notes, et tu dois éviter de jouer des notes en même temps à moins qu’elles soient espacées par un intervalle assez grand, éviter de répéter une note, parce que ton support est un papier ou un carton percé, donc si tu ne respectes pas ces contraintes, tu le fragilises et il risque de se déchirer.
- Pour du 8 bits façon Game Boy : 4 canaux, un pour les percussions, trois pour la musique, et un ensemble de formes d’ondes très limité. Pour écrire un truc qui swingue comme Mario, il faut réduire la musique à son essence la plus simple, le rythme.
Eh bien en partant de là, je suis arrivé à une mélodie rigolotte à la Mario :
J’en ai repris le matériel principal de ce thème (son harmonie sous-jacente) pour en faire une mélodie de boîte à musique (parfait pour un Game Over ou les crédits de fin):
Et partant de là, sur un piano, tu peux le passer en mineur (game over, t’as perdu, ou bien le héros est désespéré), changer le tempo, le jouer plus GROS, en jazz (niveau urbain la nuit), ou bien sur un rythme de tango grandiose et dramatique en mineur (BOSS DE FIN !) et changer totalement sa couleur alors que le matériel de base est strictement le même, et c’est comme ça que tu peux composer non seulement UN titre, mais TOUTE UNE BO cohérente qui sert une histoire.
Avant de courir, il faut marcher, et avant de marcher il faut se tenir debout. Et je pense que n’importe quel compositeur pourra te dire que c’est en réduisant tes idées à leur expression la plus simple et en soignant cette forme simple que tu peux ensuite décliner des compos grandioses et variées de plusieurs heures.