Depuis 3 ans que j’exerce le métier de formateur en freelance, je constate régulièrement un défaut : le manque de matériel dans les établissements de formation. Ce symptôme est révélateur d’un problème plus grand, plus structurel. J’en ai discuté avec plusieurs étudiants de plusieurs établissements dernièrement et je ressentais le besoin de poser cela par écrit.
Constat et expériences
Je suis intervenu en tout dans une douzaine d’établissements d’enseignement supérieur, privés comme publics. Dans le lot, plus de la moitié ne fournissaient pas d’infrastructures suffisantes pour pouvoir travailler et étudier. L’informatique, en particulier le réseau, nécessite du matériel onéreux : routeurs, switchs, serveurs, … Même si ces infrastructures peuvent, dans certains cas, être virtualisés dans le cloud, il faut tout de même les fournir, et ce n’est pas gratuit. Quelques exemples de situations rencontrées : un service d’infrastructure réseau virtualisé pour un cours en distanciel qu’on nous fournit au bout de 2 mois (sur un module qui durait 3 mois), un cours en présentiel où on me promet de me fournir des switchs et où le matériel n’est pas là le jour prévu, des équipements surannés à moitié fonctionnels pour un projet final de BTS conditionnant l’obtention du diplôme, l’absence de serveurs conséquents pour faire tourner des clusters d’hyperviseur dans un cours sur la virtualisation (il faudrait des machines de guerre et l’école voudrait que les étudiants fassent fonctionner cela sur LEUR PROPRE PC !), … Je pourrais continuer encore un moment, et c’est sans parler d’une escroquerie invraisemblable que j’avais détaillée à l’époque. Tout n’est pas tout noir, heureusement, et les étudiants font contre mauvaise fortune bon cœur.
Causes supposées
Ces situations sont principalement causées par des contraintes budgétaires plus ou moins assumées. Il y a quelques mois, j’ai échangé avec un centre de formation en Normandie qui cherchait un intervenant. Lorsque nous avons évoqué son budget, j’ai rassemblé mes réserves annuelles de diplomatie pour lui dire gentiment « vous êtes très en dessous des tarifs du marché, vous savez » (traduction : « tu te fous de la gueule du monde »). Rapporté à un équivalent contractuel, ça faisait moins que le smic. La raison du manque de moyens généralisé dans le milieu de la formation : le mode de financement. C’est du moins la conclusion à laquelle je suis parvenu.
Dans un précédent billet que je viens de mettre à jour, j’expliquais les coûts que représente une année de formation d’un étudiant, et que quelqu’un devait bien les payer. Ce quelqu’un, cela peut être une entité publique (une région, France Travail, …), l’étudiant lui-même, ou son employeur dans le cas d’une alternance. Dans ce dernier cas, l’entreprise bénéficie de 6.000 euros de subventions annuelles pour payer la formation de son apprenti. Ah, non, ce n’est plus le cas pour les contrats signés depuis le premier janvier 2025. Déjà qu’un certain nombre de sociétés peu scrupuleuses voient dans l’alternance une main d’œuvre pas chère (salaires bas, peu de charges), alors devoir payer pour la formation des jeunes, pensez-vous… Cet état de fait limite en pratique les centres de formation dans ce qu’elles peuvent demander comme frais de scolarité. Et pour former des gens en informatique, 6.000 euros par an, ce n’est clairement pas suffisant (constat empirique non sourcé, à ne pas prendre pour argent comptant, haha).
À qui la faute ? Aux entreprises avares ? Au mode de financement ? Aux écoles ? Aucune idée et je n’ai aucune envie de blâmer qui que ce soit. J’avais juste envie de partager mon constat d’une situation que beaucoup d’étudiants subissent, et je découvre en écrivant ces lignes que les subventions aux entreprises embauchant un alternant disparaissent. Cette petite révolution pourrait bien changer complètement le modèle des organismes de formation, c’est à surveiller de près.
Note : ce billet est susceptible d’être publié et adapté sur d’autres plateformes.