Photo : smartphone ou reflex ?

Inclus : des chats !

J’entends encore récemment des phrases du genre « Avec les smartphones, plus besoin de reflex ». Ça tombe bien, j’ai les deux, faisons quelques tests.

Cliquez sur les images pour les voir en grand (3000 pixels de large).

Si vous ne voyez aucune image, c’est que vous avez un navigateur qui ne gère pas le format AVIF, et qu’il est temps de le mettre à jour.

Le matériel et la méthode

Le matériel

Le smartphone : un OnePlus Nord et son capteur principal Sony IMX586, sorti en 2019. Le reflex : un Nikon D5600, sorti en 20151.

Dans les deux cas on est dans dans du matériel milieu de gamme pas très récent, donc du matériel susceptible de se trouver chez vous.

Le smartphone est vendu comme un 48 Mpx, mais c’est de la pure communication. Sans zoomer, à moins d’activer le mode dédié, il fonctionne toujours en mode pixel bining 2x2 et produit donc des images de 12 Mpx ; ou bien, avec le zoom x2, il produit des images de 12 Mpx avec les pixels natifs du centre du capteur. Le capteur est au format 4/3 et produit des images de 4000 x 3000 pixels.

Le reflex est un 24 Mpx au format 3/2 et produit des images de 6000 x 4000 pixels.

La méthode

Tout est en 100% automatique, sauf le choix du point de focus sur le reflex (la mise au point elle-même est automatique). Le seul traitement effectué est un recadrage pour obtenir des images au même format.

Les images sont limitées à 3000 px de large pour éviter d’avoir quelque chose de trop lourd.

Plein d’exemples

Commençons par une scène banale : une chatte perchée.

Essayons un plus gros plan ?

Le mode « normal » du smartphone est en réalité un grand-angle, et si on comparait le « zoom x2 », qui lui correspond bien à un objectif standard ? On remarque déjà que Cérès (c’est son nom) a une tête plus naturelle, moins déformée.

Très bien, que se passe-t-il le soir, quand on a plus de lumière naturelle ?

Et avec une focale un peu plus normale ?

(Il y a bien trois images sur ce comparatif, ça n’est pas une erreur, cf infra).

Et donc, en conclusion ?

  1. Les capteurs principaux des smartphones cadrent vraiment large (équivalent 24 mm plein format – c’est la définition du grand-angle – ou 16 mm sur mon APS-C). L’équivalent « standard » (50 mm plein format / 35 mm APS-C), c’est le « zoom x2 ».
  2. Le smartphone pousse les contrastes à mort (il n’y a aucun détail dans les noirs, en particulier).
  3. Le smartphone est très ouvert (f/1.75). Mon grand-angle n’ouvre qu’à f/2.8 à cette focale (16 mm), et f/3.3 à 35 mm. D’où la dernière photo prise au 35 mm fixe f/1.8.
  4. Avec des ouvertures pareilles, le reflex n’a plus beaucoup de profondeur de champ. C’est particulièrement flagrant sur la dernière image – et ça serait pire sur un plein format. Ça peut être un avantage pour certains types de photos, et un gros problème pour d’autres ; dans tous les cas ça ajoute une couche de complexité à gérer.
  5. Le smartphone sature les couleurs à mort. Les couleurs sont beaucoup plus justes sur un reflex.
  6. Le smartphone en basse lumière a des traitements très agressifs pour produire coute que coute une image nette, au détriment de la justesse des couleurs et des détails (regardez les images en grand).
  7. Le smartphone produit des artefacts étranges dans les zones complexes très contrastrées, comme la limite de la fourrure ou les séparations entre les taches noires et blanches.
  8. Le smartphone a quand même l’avantage d’être toujours dans la poche, ou presque.

  1. En réalité en 2017, mais le D5600 n’est qu’une mise à jour logicielle à la marge du D5500, sorti en 2015. La chaine optique et de traitement d’image, qui nous intéresse ici, date donc de 2015.


Toutes les images sont sous licence CC BY 4.0.

9 commentaires

Voilà les choses que je trouve agaçantes quand je dois prendre une photo avec mon téléphone :

  • ergonomie nulle, j’ai toujours peur de faire glisser le téléphone de mes mains (surtout en paysage)
  • traitement numérique (automatique) bizarre, je comprends pas cette manie des iPhone de vouloir pousser le sharpness autant
  • couleurs laiteuses (mais facilement travaillables à partir du HEIF d’origine sur iPhone)
  • le « HDR » automatique est capricieux mais parfois il rend bien : même si le format natif HEIF est capable de l’encoder, ce n’est évidemment pas le cas du JPEG d’export. Extraire le fichier original est possible mais c’est pénible.
  • je suspecte un léger astigmatisme sur les optiques, les flares obtenus de nuit sont un peu caractéristiques (ça peut avoir son charme cela dit)

Je suis d’accord avec tout ça, en fait – l’ergonomie est pour moi le point le plus gênant, mais ça n’était pas le but de mon test.

Je me suis souvent demandé quelle pouvait être la formule optique des appareils de smartphones ; même avec un simple capteur de 8 mm de large, ça manque sérieusement de place. Or, un objectif corrigé de l’astigmatisme, de l’aberration sphérique et de la coma contient au moins 4 lentilles (et l’astigmatisme est sans doute le moins problématique des trois).

De moins point de vue, le marché de l’appareil photo est totalement biaisé de nos jours.

1/ Un écran d’ordi HD, ça fait deux mégapixel (1920×1080). Les grands écrans style 24” on probablement une résolution plus élevée, donc mettons 4Mpx. Donc même pour un fond d’écran, 4MPx est suffisant. On peut prendre un peu de marge et aller jusqu’à 8, ça reste raisonnable. Mais 48Mpx, à moins de vouloir faire des posters, c’est juste un argument commercial. Sauf que ça a des conséquences : si les cellules sont plus petites, elles reçoivent moins de lumière. Il faut donc amplifier le signal et ça augmente le bruit. Si les constructeur voulaient réellement améliorer la qualité de leurs appareils photo, ils réduiraient la résolution. Et ça c’est valable pour smartphone, comme pour reflex

2/ Le système reflex a été conçu pour éliminer les problèmes de parallaxe entre le viseur et l’objectif, en visant directement à travers l’objectif. Un mécanisme cher et donc réservé au appareils haut de gamme. C’est donc un système qui facilite la visée, pas la qualité de la photo. Donc si les réflexes sont globalement de meilleurs qualité que les APN à écran LCD (qui n’ont donc pas de problème de parallaxe), c’est uniquement un choix commercial, pas une propriété interne aux reflex. Par contre de là à remplacer des reflex par des smartphones, faut pas exagérer non plus. Par contre, pourquoi est-il si difficile de trouvé des appareils LCD de qualité reflex ?

Pour les smartphones, ben, ils corrigent à grand renfort d’algo, avec quelques abus parfois. Donc j’imagine que c’est aussi le cas pour les aberrations géométriques, pour répondre à la question de @SpaceFox. Sebsauvage avait aussi partagé ceci.

OK, il y a donc deux choses très différentes dans ton message :

D’une part, la réflexion sur la taille des pixels, avec laquelle je suis tout à fait d’accord. Le problème de la définition des capteurs de smartphones, c’est purement un problème commercial. L’utilisateur lambda veut « un meilleur appareil photo ». Pour en faire quoi ? Mystère, il ne sait pas prendre de photos1, mais il veut quand même un meilleur. Le vendeur de smartphone veut vendre plus de smartphones, donc renouveller la gamme, et « un meilleur système photo » est un argument de vente qui marche. Mais comment faire savoir à l’acheteur que le nouveau smartphone est mieux sur ce point ? Y’a pas trop le choix, vu qu’il n’y connait rien, il faut de plus gros chiffres, et des images qui claquent. Donc plus d’appareils intégrés, plus de pixels sur les capteurs (même s’ils passent leur vie regroupés par 4 pour être utilisables), et des visuels retravaillés à mort – ou même pris avec un appareil dédié…

Et ça marche. C’est triste, mais ça marche ; et cette méthode n’est pas du tout originale. Comme par exemple les fabricants de cartes graphiques qui avaient des cartes arthritiques avec beaucoup de mémoire pour avoir un gros chiffre à vendre aux personne qui ne connaissent pas les subtilités du marché.

D’ailleurs, les grands constructeurs d’appareils photo ont généralement deux séries de capteurs dans leurs gammes pro : celle avec un nombre raisonnable de pixels mais ultra sensibles (ex: Nikon Z6 avec 24 Mpx ou Canon R6 avec 20 Mpx), et celle avec plus de pixels mais moins sensibles, et plus exigeante sur la qualité des optiques (ex : Nikon Z7 avec 45 Mpx ou Canon R5 avec 45 Mpx).


L’autre point, c’est cette histoire de qualité. En parlant « d’appareil LCD » comme « d’appareil sur lequel tu peux faire la visée sur un écran », tu décris sous un seul terme l’intégralité du marché depuis 15 ans.

De mon côté, j’ai commis un raccourci dans mon billet : je parle de « réflex » parce que c’est ce que j’ai, mais en réalité je parle « d’appareil photo dédié moderne », donc réflex, hybride, et éventuellement les derniers bridges ou télémétriques numériques qui existent – mais pas les compacts qui sont morts et enterrés.

Donc c’est en réalité très facile de trouver « un appareil LCD de qualité réflex », c’est à peu près n’importe quoi que tu peux acheter maintenant.

Par contre, pour des raisons physiques et de marché, on ne trouve plus d’appareil dédié pas cher. Les appareils pas chers mais pas tops ont été complètement remplacés par les smartphones. Les appareils de meilleure qualité sont chers pour des raisons physiques. À cause du capteur déjà : un « simple » capteur micro 4/3 c’est environ 250 mm² (à peu près la même taille qu’un processeur moderne), un capteur APS-C c’est 360 mm², et un capteur plein format c’est 864 mm² (plus grand que la plus grosse puce graphique qu’on peut trouver dans une carte graphique). À cause des optiques ensuite : un plus gros capteur impose de plus grosses lentilles, donc plus difficiles à fabriquer, avec plus de traitements de surface à prévoir, etc. Sans parler du problème du tirage mécanique énorme sur les réflex qui impose des optiques complexes donc plus chères à performances égales.

L’idée derrière tout ça (et qui pour une fois correspond très bien au marché), c’est que les gens qui veulent encore un appareil photo dédié le font pour avoir un minimum de contrôle sur l’image finale, veulent avoir un minimum de qualité, ont un minimum de connaissances2, et donc sont prêts à investir un peu ; ou bien peuvent se tourner vers un marché de l’occasion qui reste très bien fourni et largement suffisant quand on veut juste « essayer » ou « apprendre ».


  1. La photographie est un art bizarre en ce sens où plein de gens sont persuadés qu’il n’y a rien à savoir, juste à acheter « le bon matériel » et à appuyer sur un bouton pour faire « une belle photo ». Toute la technique est niée, alors que personne ne nie qu’il faut des années de pratiques pour arriver à faire de la musique, de la peinture, de la sculpture… même à niveau amateur. L’écriture a un peu le même genre de problème (mais là il n’y a pas d’outil magique dans la tête des gens). Le fait qu’on puisse avoir « quelque chose d’utilisable » (pour les photos de vacances, de chats…) même en y connaissant rien doit beaucoup aider à entretenir cette légende.
  2. Exception faite des riches idiots qui sont persuadés qu’ils vont devenir excellents photographes parce qu’ils se sont achetés le dernier boitier avec une optique haut de gamme. Ils existent dans tous les domaines mais ça n’est pas eux qui pilotent les gammes.

L’autre point, c’est cette histoire de qualité. En parlant « d’appareil LCD » comme « d’appareil sur lequel tu peux faire la visée sur un écran », tu décris sous un seul terme l’intégralité du marché depuis 15 ans.

De mon côté, j’ai commis un raccourci dans mon billet : je parle de « réflex » parce que c’est ce que j’ai, mais en réalité je parle « d’appareil photo dédié moderne », donc réflex, hybride, et éventuellement les derniers bridges ou télémétriques numériques qui existent – mais pas les compacts qui sont morts et enterrés.

Ce que j’ai voulu dire, c’est que sur le marché des appareils dédiés, depuis ces quinze dernières années, effectivement, on trouve des système à visée exclusivement sur écran, et des reflex, avec le mécanisme de miroir à l’intérieur, l’œilleton et donc le surcoût et l’encombrement qui vont avec, aujourd’hui dispensable pour la plupart des utilisations. Et ce type d’appareil et généralement vendu avec de meilleurs capteurs que les appareils avec uniquement une visée sur écran. Alors qu’il n’y a aucune raison à cela. Mais peut-être que ça a évolué. Ça fait quelques années que je n’ai pas racheté d’appareil photo.

Par contre, pour des raisons physiques et de marché, on ne trouve plus d’appareil dédié pas cher.

Ça, ça ne me surprends pas dans la mesure où le bas de gamme est aujourd’hui disponible sur n’importe quel smartphone. Donc le compact, ça fait doublon et j’imagine bien que ça se vend mal. Pour le coups, ça me parait justifié.

La photographie est un art bizarre en ce sens où plein de gens sont persuadés qu’il n’y a rien à savoir, juste à acheter « le bon matériel » et à appuyer sur un bouton pour faire « une belle photo ». Toute la technique est niée, alors que personne ne nie qu’il faut des années de pratiques pour arriver à faire de la musique, de la peinture, de la sculpture… même à niveau amateur. L’écriture a un peu le même genre de problème (mais là il n’y a pas d’outil magique dans la tête des gens). Le fait qu’on puisse avoir « quelque chose d’utilisable » (pour les photos de vacances, de chats…) même en y connaissant rien doit beaucoup aider à entretenir cette légende.

Non, c’est courant dans tous les arts. En musique, les gens qui n’ont jamais pratiqué sont pour nombre d’entre eux incapable d’évaluer la technicité d’un morceaux. Je connais aussi quelques passionné d’arts martiaux. Quand tu discutes avec le quidam lambda, les combats très techniques sont super ennuyeux et les combats qui se terminent sur KO sont incroyable. Quand tu discutes avec un pratiquant, t’as l’impression qu’il ne te parle pas du même combat. Pour la peinture et la sculpture, c’est encore plus confus dans la mesure où ces arts servent largement de prétextes à l’optimisation fiscale dans certains milieux, indépendamment de la qualité de l’œuvre. Donc on se retrouve avec des œuvres qui valent chère et qui ne nécessitent pourtant réellement aucun travail ni talent.

Le marché des reflex est agonisant, en gros les constructeurs écoulent les stocks au profit des hybrides (souvent avec une forme de reflex, mais qui n’en sont pas). La vraie attente qu’avait le marché pour basculer, c’est un viseur œilleton de qualité (beaucoup plus confortable et stable que tenir du gros matériel à bout de bras), et ça existe depuis environ 5 ans.

Ce matin j’ai encore eu une expérience qui me fait détester les smartphones pour la photo ! J’arrive au bureau ; il y a un magnifique ciel violet sur Paris (un violet rare, je n’ai jamais vu ça) que je veux prendre en photo avec le seul appareil que j’ai alors : mon smartphone. Impossible de restituer la couleur « de la réalité » à la prise, quelque soit les bidouilles. J’ai un ciel juste gris et beaucoup trop lumineux. Je suspecte qu’un algorithme voulant bien faire soit à l’œuvre, peut-être une détection du ciel qui essaie alors de lui appliquer un filtre pour qu’il rentre dans des couleurs plus « conventionnelles » (bleu, gris, orange) ?

On ne peut pas non plus savoir ce que le boîtier aurait fait sur son JPEG de sortie, et après tout on subit toujours un traitement numérique (fût-il purement technique et non artistique). Mais au moins j’aurais eu un raw avec lequel jouer.

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