Fusion Nucléaire - L'ignition atteinte

À l’heure où l’énergie est au cœur de nombreux débats, que ce soit écologique ou économique voir même militaire, cette nouvelle qui de base ne peut être ignorée, prends une importance capitale. Et oui, des chercheurs ont pu produire plus d’énergie qu’ils en ont consommé avec de la fusion nucléaire. On dit qu’ils ont atteint l’ignition.

Je vous propose dans ce billet de revenir sur ce qu’est la fusion nucléaire, ce point d’ignition et je vous raconterai pourquoi ce n’est pas encore vraiment exploitable.

Je ne suis pas ingénieur ou chercheur nucléaire, et je n’ai que mes quelques connaissances de physique un poil plus poussé que le citoyen lambda mais suffisantes pour comprendre et vulgariser celles-ci.

La fusion nucléaire

La fission nucléaire

La fission nucléaire, celle qu’on utilise aujourd’hui dans les centrales, produit de l’énergie thermique (de la chaleur) en cassant des atomes lourds comme l’uranium en atomes plus légers qui ne nous servent à rien (les déchets nucléaires). Cette chaleur sera utilisée pour chauffer de l’eau dont la vapeur mis à haute vitesse et pression fera tourné une turbine qui alimentera le réseau électrique. Ce dernier point et le lot de toutes les centrales électriques et n’est pas une spécificité de celle au nucléaire. Le réseau électrique fonctionnant à 50Hz (50 impulsions par secondes) les turbines sont donc mis à la vitesse de (50x60 =) 3000 tour/min, ce qui est énorme quand on prend en considération la taille de ces turbines.

Turbine de la centrale nucléaire de Balakovo
Turbine de la centrale nucléaire de Balakovo

La fusion nucléaire

Contrairement à la fission qui casse des gros atomes, la fusion nucléaire fusionne (qui l’eût cru) deux atomes. Et pour cela il faut atteindre des températures assez énormes de l’ordre du milliard de degré Celsius (je vous épargnerais la conversion Kelvin-Celsius, à cet ordre-là ça ne fait pas de différence).

Prenons des atomes d’hydrogènes (1 seul protons dans le noyau), il en existe 3 types qu’on appelle isotope : le protium, le deutérium et le tritium.

Les isotopes de l'hydrogène
Les isotopes de l’hydrogène

La différence entre ces isotopes est leur nombre de neutrons qui appartiennent au noyau 0,1 ou 2.

La fusion deutérium-tritium

La fusion entre un atome de deutérium et de tritium requiert des conditions qui sont à ce jour atteignable, en effet, elle ne demande que quelques centaines de millions de degré.

Schéma de la fusion deutérium-tritium
Schéma de la fusion deutérium-tritium

Cependant cette réaction possède deux principaux problèmes :

  • bien que le deutérium peut être facilement produit avec de l’eau de mer, le tritium est extrêmement rare (donc chère);
  • un neutron est produit lors de la réaction, ce neutron associé va changer l’isotope d’atome qu’il rencontrera dans son parcours, ça contraint la structure qui accueille le produit à n’être que dans des matériaux dont les isotopes ne sont pas dangereux.

Pour éviter les inconvénients de la fusion deutérium-tritium, d’autre chercheur travaille sur la fusion protium-bore11.

Schéma de la fusion protium-bore11
Schéma de la fusion protium-bore11
Remarque

Il n’y a pas de neutron produit dans cette fusion.

Le Protium et le Bore 11 sont très abondant dans la nature. Cependant cette fusion demande une température 10 fois plus élevé que celle de la fusion deutérium-tritium, soit plus d’un milliard de degrés.

L'ignition

Un des principaux problèmes rencontrés pour permettre l’industrialisation de la fusion nucléaire est le rendement énergique. Il faut toujours dépenser bien plus en énergie pour provoquer la fusion que la fusion permet de créer. Cependant, le NIF, un projet californien de fusion nucléaire contrôlée par confinement laser, aurait atteint le point où on produit plus d’énergie par la fusion qu’elle en consomme qu’on appelle Ignition. En effet, ce 5 décembre 2022, le laboratoire national de Lawrence Livermore annonce avoir produit 3,15 mégajoules après avoir concentré 2,05 mégajoules avec les 192 lasers du NIF.

C’est très inspirant, mais il y a un problème. Dans l’énergie consommée par la fusion on ne compte que l’énergie donnée à la fusion, mais on ne compte pas l’énergie consommée par les lasers par exemple. Au total, l’expérience à consommé plus de 300 mégajoules.

Voilà qui nous donne un coup au moral. Mais une telle avancé est une bonne nouvelle pour le monde de la fusion nucléaire. Cela permet de parler de la fusion et donc de créer des passions chez les jeunes et futurs chercheurs, mais aussi cela permet de relancer les investissements dans les projets. Notamment pour le projet ITER, un projet international dont le réacteur se situe en France dans les Bouches-du-Rhône, et qui vise à l’industrialisation avec un rendement de 10 fois l’énergie consommée.


6 commentaires

Voilà qui nous donne un coup au moral. Mais une telle avancé est une bonne nouvelle pour le monde de la fusion nucléaire. Cela permet de parler de la fusion et donc de créer des passions chez les jeunes et futurs chercheurs, mais aussi cela permet de relancer les investissements dans les projets. Notamment pour le projet ITER, un projet international dont le réacteur se situe en France dans les Bouches-du-Rhône, et qui vise à l’industrialisation avec un rendement de 10 fois l’énergie consommée.

Ne pas oublier que même si ITER (ou tout autre projet) parvient à réussir cet objectif, il faudra s’attendre à des décennies avant de voir un réacteur commercial reposant sur la fusion.

C’est d’autant plus probable que la réussite de l’expérience repose sur une démo qui nécessitera des optimisations et des recherches notamment de matériaux pour rentabiliser ce genre d’installation.

En gros, ne rien attendre avant 2060…

+6 -0

Cependant, le NIF, un projet californien de fusion nucléaire contrôlée par confinement laser, aurait atteint le point où on produit plus d’énergie par la fusion qu’elle en consomme qu’on appelle Ignition.

L’illustration aurait pu être celle-ci… :)
xkcd 2710

Prenons des atomes d’hydrogènes (1 seul protons dans le noyau), il en existe 3 types qu’on appelle isotope : le protium, le deutérium et le tritium.

Les mauvaises bonnes langues disent qu’il y a plus d’isotopes que ça :D
xkcd 2719

+2 -0

Merci pour ce billet ! Quelques éléments au sujet de la partie sur la fission nucléaire :

  • les réacteurs nucléaires sont, en France, équipés de trois à quatre turbines (le corps turbine) au bout desquelles se trouve un alternateur. Pour fixer les ordres de grandeur, le corps turbine fait environ 50 mètres de longueur pour une masse totale d’environ 3000 tonnes ;
  • pour délivrer du courant à la fréquence de f = 50 Hz, l’alternateur tourne à n = 1500 tours/min (le stator de l’alternateur comporte p = 2 paires de pôles et n = f/p)
  • en réalité, les turbines des réacteurs nucléaires ne tournent pas à 3000 tours/min comme tu l’écris. Pour des raisons de rendement et de tenue mécanique du condenseur qui se trouve en dessous, il est en effet nécessaire de limiter la vitesse de la vapeur en sortie de turbine et on utilise pour cette raison des turbines à mi-vitesse, qui tournent à 1500 tours/min. D’une manière générale, dès qu’une centrale électrique dépasse les 1000–1200 MW de puissance électrique, on utilise des turbines à mi-vitesse.

EDIT : ci-dessous une vue du corps turbine et de l’alternateur lors du montage de la salle des machines du réacteur n° 2 du Bugey (milieu des années 70). De bas en haut, on y voit la turbine qui reçoit la vapeur haute pression puis les trois turbines qui servent à détendre successivement la vapeur basse pression qui a été détendue dans la première turbine. Au bout de cette ligne se trouve l’alternateur.

Corps turbine et alternateur - Bugey 2
Corps turbine et alternateur - Bugey 2

Source : Michaël Mangeon Collection personnelle. Carte postale Sodel Conseil. Photothèque EDF. Photographe : G. Jaumotte.

Ne pas oublier que même si ITER (ou tout autre projet) parvient à réussir cet objectif, il faudra s’attendre à des décennies avant de voir un réacteur commercial reposant sur la fusion.

C’est d’autant plus probable que la réussite de l’expérience repose sur une démo qui nécessitera des optimisations et des recherches notamment de matériaux pour rentabiliser ce genre d’installation.

En gros, ne rien attendre avant 2060…

Renault

J’en parlais au manager d’une équipe qui développe des nouveaux matériaux pour l’UKAEA il y a quelques semaines. Pour ceux qui ne suivent pas, le RU est très actif dans le domaine, et a donc cette institution publique et au moins trois startups dans la fusion nucléaire dans la région Oxford/Culham. Les startups promettent des dates délirantes, aux alentours de 2030, et je crois que tout le monde est d’accord pour dire que c’est n’importe quoi, dans le seul but d’avoir du financement.

La partie plus intéressante, c’est qu’il existe un certain nombre de manière de maintenir le plasma : vous avez sûrement vu l’illustration du tore/beignet de ITER, mais il y en a d’autres. Selon la manière, il y a des contraintes différentes, sur la température, les dégâts à supporter (dpa, déplacement par atome, pour les intimes), le rendement du cycle, etc.

Son opinion est qu’il y a des techniques de confinement qui pourrait atteindre la maturité commerciale avant que DEMO (le successeur d’ITER, toujours pas commercial) ne soit construit.

On en saura plus dans 15 ans j’imagine, de s’il est trop optimiste ou juste dans ses prédictions :)

Les startups promettent des dates délirantes, aux alentours de 2030, et je crois que tout le monde est d’accord pour dire que c’est n’importe quoi, dans le seul but d’avoir du financement.

C’est dommage de ne pas savoir vendre des dates réalistes, d’autant qu’un jour les investisseurs verront bien que c’est intenable et il faudra sans doute des financements supplémentaires.

Son opinion est qu’il y a des techniques de confinement qui pourrait atteindre la maturité commerciale avant que DEMO (le successeur d’ITER, toujours pas commercial) ne soit construit.

Peut être mais ça demandera de toute façon du temps et il y a des incertitudes sur la faisabilité encore. Cela serait génial, mais on ne peut pas parier notre avenir énergétique et climatique dessus.

Je sais que tu n’es pas aussi optimiste mais comme certains après une telle annonce ont vu une voie de sortie pour dire "ah bah du coup problèmes réglés" alors qu’on en est encore très loin, il faut le rappeler que ce n’est pas si simple.

On en saura plus dans 15 ans j’imagine, de s’il est trop optimiste ou juste dans ses prédictions :)

Faut réserver un jZdS pour ça alors. J’ai un créneau de libre le 27 décembre 2037. :D

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