La question de l’énergie est un sujet que je regarde depuis une dizaine d’année. C’est un sujet assez fascinant et très d’actualité, que ce soit au travers de la question de notre mode de vie, de notre dépendance énergétique en Europe, du prix de l’énergie (en période d’inflation à ce sujet en ce moment en particulier), mais aussi à cause de son futur avec la problématique climatique d’une part mais aussi de sa disponibilité d’autre part.
Je ne vais pas aborder ce sujet de manière complète, je vous conseille la chaine Youtube de Le réveilleur d’un côté, et le site de Jean-Marc Jancovici d’autre part si vous souhaitez des chiffres et une étude plus poussées sur ces questions.
Dans notre quotidien l’énergie est au cœur de nombreuses technologies. Nous migrons vers les voitures électriques, de plus en plus de moyens de transports ou d’outils (comme les outils de jardinage) tentent de se passer du pétrole ou du gaz pour fonctionner, d’autres comme l’électroménager essayent de l’économiser au maximum, et nos ordinateurs et autres téléphones portables tentent d’offrir un bon ratio d’autonomie et d’encombrement.
C’est plutôt sur cet aspect que je rédige le présent billet, plutôt pour m’amuser mais aussi pour fixer certaines choses dans ma tête et qui sait, donner l’envie à d’autres de mesurer ou d’être curieux à ce sujet !
- Mais c'est quoi l'énergie ?
- Les batteries du quotidien
- Les batteries et l'énergie d'une voiture
- Et au regard de la consommation d'une maison ?
Mais c'est quoi l'énergie ?
L’énergie est une grandeur physique qui rend compte de la transformation d’un système. Par exemple mettre en mouvement une voiture de 1500 kg à 120 km/h alors qu’elle était à l’arrêt et à maintenir cette vitesse sur l’autoroute. Cela peut être aussi la transformation de notre énergie musculaire en mouvement pour propulser un vélo, ou la combustion de fioul de chauffage pour chauffer une maison à 20°C, ou tout simplement l’électricité nécessaire pour alimenter les composants électroniques permettant de lire ce billet.
D’un point de vue conceptuel et mathématique, c’est la mobilisation d’une puissance sur une durée. Il y a d’autant d’unité d’énergie consommée qu’une puissance est forte ou qu’elle est consommée sur une longue durée.
Cette relation se voit finalement bien dans deux unités assez présentes pour parler d’énergie et de puissance. On a d’un côté la puissance exprimée en Watt (symbole W) quand l’énergie est exprimé en Watt-heure (symbole Wh). 1 appareil électrique d’une puissance d’un Watt utilisé pendant une heure aura consommé… 1 Watt-heure d’énergie.
Ce concept est vaste et partout. Et malgré sa diversité de forme, de production et de résultat, on peut toujours grâce à des unités et des mesures bien choisies, pouvoir comparer ces formes d’énergie entre eux. Cela peut donner des résultats amusants comme combien de kilomètres une voiture à essence standard peut parcourir avec l’énergie nécessaire pour alimenter un RPi pendant un an ? Réponse : 12 kilomètres. Il y a un topic ici même pour faire ces comparaisons absurdes mais finalement plus intéressantes qui n’y paraît.
Je vais exprimer ici mes données qui sont du quotidien majoritairement en Watt-heure par commodité, les Joules qui sont une unité SI sont rarement employés dans les documentations et les factures d’énergie ce qui ajoute beaucoup de conversion supplémentaires pour un gain faible. Et l’unité tonne équivalent pétrole est bien trop gros pour représenter efficacement mes maigres mesures, on le retrouve plutôt pour parler d’énergie à l’échelle d’un pays ou d’un secteur industriel ou de consommation.
Les batteries du quotidien
En me renseignant sur les voitures électriques, où la question de la capacité de leur batterie et de leur autonomie est centrale pour beaucoup, je me suis demandé : mais dans nos appareils du quotidien, on en est où ?
Le but n’est pas d’avoir une approche scientifique, juste mesurer certaines choses. Vérifier leur évolution, et avoir un ordre de grandeur de l’énergie stockée.
J’ai eu en ordinateurs portables dans un contextes pro ou perso les modèles suivants :
- 2007 : EeePC avec une batterie de 39 Wh
- 2011 : Elitebook 8560w avec une batterie de 75 Wh
- 2014 : Dell Precision M4800 avec une batterie de 65 Wh
- 2016 : Lenovo E560 avec une batterie de 48 Wh
- 2021 : Lenovo IdeaPad 5 15ITL05 avec une batterie de 57 Wh
On voit qu’on tourne grosso modo entre 50 et 75 Wh. L’autonomie s’est améliorée doucement avec le temps (de 3h à 4h30 environ en moyenne) tout en diminuant sensiblement la quantité d’énergie stockée en son sein. Grâce en partie aux améliorations logiciels et matériel pour économiser l’énergie consommée.
Cependant ce n’est pas forcément universel, sur cette échelle de temps j’ai voulu voir ce qu’a fait Apple. Leur nombre de modèles étant réduits, avec des gammes cohérentes, cela simplifie la comparaison. Selon les chiffres de Wikipédia on a pour les modèles 15" environ :
- Macbook (2006–2012) : 55 puis 45 Wh
- Macbook Pro (2006–2022) : 60 Wh, puis 77,5 Wh, 95 Wh, 76 Wh, 83 Wh et enfin 70–100 Wh (les écrans étant de 14" et 16" maintenant).
On voit que Apple n’a pas hésité à monter les capacités de leur batterie sur cette période même s’il semble y avoir une certaine diminution en cours.
Mais maintenant les téléphones portables qui envahissent nos quotidiens ? À quel point leur batterie a évolué et surtout par rapport aux PC portables ? Il y a d’ailleurs un petit piège avec les téléphones, souvent la valeur communiquée est en mAh (milli Ampère heure) ce qui n’est pas une quantité d’énergie. Il faut multiplier la tension de la batterie associée pour retrouver les Watt-heure désirés. Mais souvent la tension est proche de 3,7 ou 3,85V ce qui rend en pratique l’écart faible.
Voici les modèles :
- 2004 : Siemens M35i avec une batterie de 3,7 V pour 500 mAh = 1,85 Wh (mais ça durait une semaine environ)
- 2007 : Sony Ericsson W800i avec une batterie de 3,7 V pour 900 mAh = 3,33 Wh (de même)
- 2011 : Nokia N900 avec une batterie de 3,7 V pour 1320 mAh = 4,88 Wh
- 2013 : Samsung Galaxy S3 avec une batterie de 3,8 V pour 2100 mAh = 7,98 Wh
- 2014 : Jolla 1 avec une batterie de 3,8 V pour 2100 mAh = 7,98 Wh
- 2021 : Sony Xperia 10 avec une batterie de 3,85 pour 2870 mAh = 11 Wh
Même si les gammes sont très éloignées d’un modèle à l’autre, on constate une tendance à la hausse assez nette. Cela va de pair avec la taille des périphérique qui autorise une batterie plus grande.
Par rapport aux ordinateurs on peut constater la chute du ratio entre l’énergie contenue dans un ordinateur portable et celle d’un téléphone. On était dans un rapport de 20 fois plus d’énergie par rapport à un téléphone portable à une valeur pouvant tomber à 5 seulement 10 ans plus tard.
Depuis que j’ai un téléphone personnel, la batterie contient 10 fois plus d’énergie (en 15 ans environ), depuis mon premier smartphone donc en 10 ans c’est tout de même 2,5 d’énergie en plus pour une autonomie finalement similaire à savoir la journée sans trop forcer.
Mais là encore je vais comparer avec la gamme Apple avec son illustre iPhone pour avoir une évolution éliminant de nombreux biais. D’après cet article on est passé en 2007 avec l’iPhone 1 d’une batterie de 5,18 Wh pour une batterie de 10,62 Wh pour l’iPhone 12 standard. On retrouve là encore un beau facteur 2 de progression depuis.
Pour rigoler, l’emblématique Nokia 3310 , sorti fin 2000, avait une batterie de 3,33 Wh aussi, la même capacité que mon téléphone 7 ans plus tard… Pour une consommation aussi faible (écran monochrome, pas de Wifi, petit écran, pas de Web ou d’écran tactile) on s’étonne qu’il avait la réputation de tenir longtemps sans charger, il était à peine plus faiblard (33% plus faible seulement) que les premiers smartphones sur ce point !
Les batteries et l'énergie d'une voiture
Maintenant qu’on a vu des chiffres et évolution avec des batteries d’objets que nous manipulons tous les jours, cela donne quoi avec les voitures électriques ?
La modèle emblématique de l’électrique en France a longtemps été la Renault Zoe (non, je vous jure malgré mon pseudo, ce n’est pas une publicité !).
Le premier modèle avait une batterie d’origine de 22 kWh (oui, kWh). La déclinaison actuelle tourne autour de 41 ou 52 kWh selon les options. Selon la conduite et les conditions de roulage cela donne une autonomie oscillant entre 100 et 300 km. Le tout pour un poids d’environ 1500 kg, à mettre en regard des 1200 kg d’une Renault Clio qui en est proche mais avec un moteur thermique.
Si on regarde un constructeur centré sur l’électrique depuis ses débuts, la Tesla Model 3, la batterie oscille entre 54,3 kWh et 80,6 kWh suivant les options pour un poids compris entre 1600 et 1850 kg.
Il y a eu en une dizaine d’année clairement une augmentation de la taille des batteries, mais l’embonpoint sur la balance est assez visible. 300 à 500 kg par rapport à un modèle thermique équivalent.
On voit donc qu’une batterie d’une voiture moyenne de nos jours c’est environ 50 à 80 kWh. Cela peut être moins pour les très bas de gammes pour réduire les coûts comme la Dacia Spring avec une batterie de 26,8 kWh pour 1 tonne. Le très haut de gamme se permet bien plus comme le modèle Lucid Air qui semble détenir le record avec 130 kWh.
Ces 50–80 kWh est donc l’équivalent de 1000 batteries d’ordinateurs portables ou 5000 à 7000 batteries de téléphones portables. Ou dit autrement une batterie d’un Model 3 de Tesla pourrait donner à mon téléphone portable une autonomie de 19 ans. Bon c’est un poil plus lourd à transporter, le côté portable n’y serait plus.
On comprend mieux le surpoids qu’une telle batterie représente pour une voiture, mais aussi la quantité de métaux et d’énergie nécessaire pour les produire et les charger. Par contre je vous déconseille d’avoir autant d’appareil électroniques du genre en fonctionnement dans votre voiture.
Mais quitte à parler d’énergie, et si on comparait avec ma voiture essence ?
J’ai une Sokda Octavia Combi de génération 3, environ 1 300 kg sur la balance avec un réservoir d’essence de 50 L. En conditions réelles je fais environ 900 km avec le plein, donc 5,5 L au 100 km. L’essence contient environ 9,68 kWh par litre ce qui revient à stocker 484 kWh dans mon réservoir à chaque plein. En vrai c’est un peu moins car l’essence contient maximum 10% de bioéthanol qui a une densité énergétique un poil plus faible mais sourcer un chiffre plus précis pour l’E10 semble difficile.
On voit clairement ici un facteur 10 entre l’énergie contenue dans mon réservoir de 50 L d’essence par rapport à ce qu’une batterie d’une citadine ou berline électrique peuvent contenir. Si je peux parcourir 900 km avec un plein, un à trois arrêts sont requis pour les véhicules électriques. Une voiture électrique consomme en effet entre 10 et 25 kWh / 100 km, selon les modèles et conditions de roulage. Avec mes 5,5 L d’essence j’en suis à 53 kWh / 100 km.
Cela signifie qu’au bout du compte, une voiture électrique a besoin pour un kilométrage donné d’utiliser 2 à 3 fois moins d’énergie. Cela est dû à l’efficacité du moteur électrique qui a un rendement bien supérieur aux moteurs thermiques, la majeur partie de l’énergie est perdue sous forme de chaleurs pour elles d’où le chauffage gratuit pour cette motorisation contrairement aux modèles électriques.
Alors bien sûr cette économie d’énergie est moins pertinente si l’électricité est produite à partir de l’essence, car la centrale électrique aura un faible rendement aussi. Mais si l’électricité est produite par par des systèmes non thermiques comme éolien, solaire ou hydroélectrique, ces pertes n’existant pas, cela réduit la consommation d’énergie totale.
Et au regard de la consommation d'une maison ?
On a des ordres de grandeurs pour nos ordinateurs, téléphones et une voiture.
Mais il y a un autre poste qu’on retrouve dans nos quotidiens qui nécessite de l’énergie. La maison ! Pour chauffer le logement, alimenter en électricités nos appareils et lumières, ou cuire nos aliments et chauffer l’eau.
Dans notre logement, petite maison de 100 m^2 pour 3 personnes. La maison n’est pas du tout isolée (c’est en cours), et l’électroménager a un peu moins de 10 ans. La répartition de l’énergie peut se répartir comme suit par an :
- 3400 kWh d’électricité
- 1600 L de fioul pour le chauffage et l’eau chaude (c’est environ 29 000 km en voiture si elle consomme 5,5 L au 100, ou l’équivalent de 32 pleins de ma voiture).
- 1250 kg de pellets en complément pour le chauffage
- 21 kg de propane pour la cuisson
Si on traduit cela en kWh pour uniformiser on a :
- 3 400 kWh d’électricité
- 17 035 kWh pour le chauffage et l’eau chaude à base de pétrole
- 6 000 kWh pour le chauffage à base de bois
- 250 kWh pour la cuisson des aliments à base de propane
Cela signifie qu’on consomme environ 23 250 kWh de chaleur chaque année pour 3 400 kWh d’électricité.
Cela signifie qu’avec cette électricité annuelle, on peut recharger 309 090 fois mon téléphone soit une fois par jour pendant 846 ans. Et 59 649 fois mon ordinateur portable soit 6 fois par jour (le nombre de recharges max théoriques) pendant 27 ans ! On voit que ces appareils ne pèsent pour presque rien dans la consommation électrique d’un ménage… On peut aussi remplir la batterie de 52 kWh d’une Renault Zoe 65 fois soit parcourir environ 16 346 km avec sur l’année, ce qui est un peu au dessus du kilométrage moyen d’une voiture, et proche de notre kilométrage annuel par ailleurs.
Avec cette chaleur annuelle on a 7 fois plus d’énergie utilisée que sous forme électrique. Multipliez les chiffres précédents par 7 pour avoir un ordre de grandeur. On voit aussi que le pellets représente l’équivalent de 600 L de fioul de chauffage tout de même, ou 10 000 km avec ma voiture. Selon l’audit énergétique qu’on a réalisé dans le cadre des rénovations énergétiques, l’isolation complète couplée au passage aux pompes à chaleur peut réduire ce besoin d’énergie pour la chaleur de 90% ce qui descendrait à 2 325 kWh électrique pour la chaleur annuel environ.
Le besoin électrique actuel de la maison peut grossièrement être découpé comme suit grâce aux informations des appareils ménagers :
- Réfrigérateur / congélateur allumé h24 : 319 kWh (10% de la consommation annuelle) ;
- Lave linge avec 1,02 kWh par cycle, 150 fois par an (un peu moins d’un jour sur deux) : 150 kWh (5% annuel) ;
- Lave vaisselle avec la même énergie par cycle mais presque tous les jours c’est 300 kWh (10% annuel).
L’électroménager représente donc facilement 25% de cet ensemble à la louche, le reste est éparpillé avec le NAS, la box, les ordinateurs, les téléphones, la TV, les consoles de jeux, les lumières, le four et le four à microonde. Plus difficile à estimer.
À partir de ce qu’on a vu, il y a plusieurs éléments intéressants que je souhaitais mettre en avant car ça m’a moi même étonné :
- Les ordinateurs portables ont connu une faible progression de la quantité d’énergie stockée sur batterie depuis 10–15 ans malgré une autonomie en hausse ;
- Les téléphones portables contiennent 5 fois moins d’énergie (en moyenne) qu’un ordinateur portable, tout en contenant 2 fois plus d’énergie que les premiers smartphones il y a 15 ans ;
- Une voiture électrique contient 10 fois moins d’énergie dans ses batteries de 300–500 kg qu’un réservoir modeste de 50 L d’essence. Mais il consomme 2 à 3 fois moins d’énergie pour parcourir un kilomètre qu’avec une motorisation thermique ;
- L’usage moyen d’une voiture thermique peut être équivalent sur l’année à celle de la consommation électrique du foyer seulement ;
- Le besoin d’énergie thermique dans une maison non isolée surpasse d’un ordre de grandeur la consommation électrique annuelle d’un foyer. Mais cela peut être significativement réduit ;
- On peut facilement comparer des formes d’énergie entre elles pour réaliser ce que cela représente avec des objets du quotidien. Il suffit de trouver les valeurs nécessaires pour avoir l’énergie contenue dans un litre d’essence, d’un kilo de propane, etc. pour comparer facilement.
Amusez-vous à collecter les chiffres et à analyser ce que cela signifie. Avec ces données on peut facilement obtenir un bilan carbone partiel, car le périmètre est limité à la consommation directe d’énergie au sein du foyer ou de ses appareils seulement. Mais ça donne un ordre de grandeur.
Quand on sait que l’objectif de 2050 c’est 2 tonnes de CO2 par an et par personne sur Terre en moyenne, avec mes données présentées pour 3 personnes nous sommes déjà à plus de 3 tonnes par personne et par an, il y a donc du boulot…