Les mathématiques forment une discipline très ancienne, et on retrouve des inscriptions mathématiques remontant à plusieurs millénaires. Un des textes les plus anciens est la tablette d’argile babylonienne BM 13901, datant approximativement du 2e millénaire avant JC. Elle décrit la résolution d’un certain nombre d’équations du second degré.
Nous nous intéresserons ici au premier problème inscrit sur cette tablette pour découvrir les méthodes et le style d’écriture de l’époque et faire ensuite un rapprochement avec les méthodes et notations modernes.
- Interprétation du problème n°1 de la tablette
- Déchiffrer la résolution du problème n°1
- Rapprochement avec la méthode moderne
Interprétation du problème n°1 de la tablette
Les inscriptions cunéiformes sur la tablette sont incompréhensibles pour les profanes, mais il existe différentes interprétations, plus ou moins proches de l’original et plus ou moins compréhensibles pour nous.
Le texte est écrit en utilisant le système sexagésimal (base 60). L’unité est partagée en soixante parties, qu’on note avec une apostrophe : 1’, 2’, qui sont l’analogue de nos décimales. Ce système survit encore aujourd’hui dans la mesure des angles et les divisions du temps.
Une des interprétations les plus fidèles, utilisant un vocabulaire géométrique proche de l’idée de la langue originale est celle de Jens Høyrup. Le vocabulaire inhabituel rend cela un peu cryptique pour nous :
Avec un vocabulaire plus moderne, on retrouve l’interprétation de Thureau-Dangin :
Comme nous sommes plus familiers avec la base 10, autant réécrire tout ça pour être plus à l’aise par la suite :
Déchiffrer la résolution du problème n°1
Reprenons l’interprétation ligne à ligne pour bien comprendre ce qu’il se passe.
J’ai additionné la surface et (le côté de) mon carré : 0,75.
Il faut comprendre qu’on cherche le côté du carré, qui est donc notre inconnue . La surface est donnée par le carré du côté, donc . Autrement dit, cette ligne signifie qu’on a l’équation du second degré suivante :
Tu poseras 1, l’unité. Tu fractionneras 1 en deux : 0,5.
On indique simplement de diviser un par deux. Autrement dit, de calculer 0,5.
Tu croiseras 0,5 et 0,5 : 0,25.
Croiser signifie « multiplier » ; on fait donc le calcul suivant :
Tu ajouteras 0,25 à 0,75 : 1.
Il s’agit d’une simple addition :
C’est le carré de 1.
Dit de manière moderne :
Tu soustrairas 1/2, que tu as croisé, de 1 : 1/2, le côté du carré.
Assez simple encore une fois :
puis on nous dit qu’il s’agit du résultat final :
Il est aisé de vérifier qu’il s’agit bien d’une solution de l’équation, donc le calcul proposé fonctionne bel et bien. Comment le rapprocher de nos méthodes actuelles ?
Rapprochement avec la méthode moderne
Si on résume tous les calculs décrits dans la résolution, on voit que c’est le calcul suivant qui aboutit à la solution de l’équation :
Il est possible de rapprocher cette formule de la méthode moderne de résolution des équations du second degré.
La forme générale d’une équation du second degré peut s’écrire sous la forme suivante, avec , , réels et :
Sous réserve que la quantité soit positive ou nulle, il existe deux solutions réelles :
Quand , on peut réécrire cette formule comme suit :
Avec et , on remarque que la première des deux formules ci-avant donne exactement le calcul effectué dans la résolution du problème n°1 !
La deuxième formule donne une valeur négative qui ne nous intéresse pas vu qu’on cherche une longueur.
Voilà pour un aperçu de la compétence des anciens babyloniens pour résoudre des équations du second degré !
La tablette présente d’autres problèmes de difficulté croissante, permettant de résoudre de nombreux types d’équations du second degré. La progression vers les méthodes modernes s’est faite sur plusieurs millénaires, avec des avancées remarquables, notamment par les mathématiciens Arabes.
Sources
- Fiche de la tablette BM 13901 sur le site du British Museum
- Article de Thureau-Dangin (accès payant), avec aussi des traductions d’autres problèmes de la tablette.
- Un document présentant des traductions en français des interprétations de Jens Høyrup.
Pour aller plus loin
- Lengths, Widths, Surfaces, A Portrait of Old Babylonian Algebra and Its Kin, livre de Jens Høyrup exposant notamment ses travaux sur la tablette BM 13901.