C'est toute une histoire : le stockage

Dans ce premier article de la série "C'est toute une histoire", nous allons aujourd'hui parler de l’évolution des moyens de stockage

Stocker des informations, c'est une longue histoire ! En effet, bien avant que l'on veuille pouvoir enregistrer nos photos de vacances pour les partager avec tatie Jacquotte, l'Homme avait déjà un besoin de stocker des informations sur sa vie courante (ou ses prédictions) pour de multiples usages allant de la transmission de savoir jusqu’à la gestion d’échange commercial…

L'âge de pierre

Tout a commencé par une belle journée de printemps, un mardi je crois, en l'an -12000 avant notre ère. Zgarbif revient de chasser le mammouth et a envie de se souvenir de cette belle journée pour la raconter à ses enfants quand ils seront nés. Zgarbif dessine alors sur le mur ce qu'il vient de vivre… Le stockage d'information est né. Par la simple volonté de transmettre quelque chose, l'Homme vient de mettre en route la longue aventure du stockage de données !

Faisons un long saut en avant… Dans la Mésopotamie ancienne, l'oracle veut transmettre à son roi sa dernière prédiction qu'il a mis au point à base de lecture de foie de corbeau. Impossible de déplacer le mur de la hutte, il a alors l'idée révolutionnaire de graver des pictogrammes dans une plaque de glaise séchée. L'écriture fait son apparition, la modernisation est en marche…

Tablette mésopotamienne

L’ère du papier

3000 ans avant notre ère, Otis, scribe du pharaon, raconte la vie quotidienne de son altesse en utilisant une langue écrite que son peuple a inventée, les hiéroglyphes (qui n'ont rien à envier aux pictogrammes de nos amis mésopotamiens). Là où la technique est impressionnante, c'est que son écriture n'est plus gravée sur un support friable mais dessinée à l'encre sur un parchemin de papyrus grâce à une technique de fabrication et d'utilisation des fibres de … papyrus (une plante) pour en faire un support léger, facile à transporter, à stocker et à produire… La technique du papier a fait son apparition ! Aussi impressionnant que cela puisse paraître, elle ne subira que peu d'évolution pendant près de 5000 ans. Seule la matière première changera, passant de la fibre de roseau à de la pulpe de bois permettant de faire des feuilles de papier.

Exemple de hiéroglyphes dessinés sur un papyrus

…Et de l'imprimerie

L'imprimerie a été découverte et développée en Chine au 6ème siècle, soit bien avant que la Corée et l'Occident ne découvrent cette dernière (au 15ème siècle). Le plus ancien livre imprimé daté connu est le « Sūtra du Diamant » mais il existe des textes imprimés bien plus anciens encore !

En 1040, Bi Sheng, un inventeur chinois, révolutionna l'imprimerie par l'utilisation de caractères mobiles gravés dans de la porcelaine, céramique d'argile visqueuse, durcis dans le feu et assemblés dans la résine. Cette technique sera plus tard améliorée en Corée entre 1234 et 1241 par l'utilisation de caractères mobiles en métal.

À partir du 12ème siècle, de nombreuses bibliothèques arabes et chinoises contenaient déjà des dizaines de milliers de livres imprimés. Il est ensuite probable que la technologie de l'imprimerie chinoise fut diffusée en Europe par le biais des routes commerciales d'Inde et du monde arabe.

L'entrée dans le monde moderne

Il faudra donc attendre la deuxième moitié du 18ème siècle pour voir apparaître un nouveau séisme, la découverte de l'électricité qui entraîne une plus grande maîtrise des phénomènes liés au magnétisme. C'est d'ailleurs ce phénomène qui va être au centre des premiers supports de stockage « moderne » et « automatisé ». L'homme est maintenant capable de transformer une onde sonore en un signal électrique qu'il peut retranscrire sur une bande magnétique en déposant des charges électriques sur cette dernière. La technique n'est pas parfaite mais sera la base de nombreuses évolutions…

Vous avez peut-être vu dans des documentaires de vieilles machines avec de grandes bobines marron qui défilent dans des sortes de grandes armoires. Une bobine de 732 mètres était alors capable de stocker 1 octet tous les 2,5 cm (dans les années 1950).

UNIVAC I, 1951

La miniaturisation étant le nerf de la guerre, des nouveaux supports de stockage apparaissent. Les entreprises commencèrent alors à utiliser des disquette de 8 pouces (20cm) qui pouvaient stocker 1 kilooctet. Fait amusant, ces disquettes étaient très souples puisque le stockage était fait sur un support plastique fin. Quelques années plus tard, toujours poussé par l'envie de stocker plus de données sur un support plus petit, les disquettes font une cure et deviennent grandes comme la main (3.5 pouces, soit 9cm) et peuvent stocker 1.44 MB. On peut y stocker sans problèmes plusieurs fichiers textes voire des programmes entiers (Le programme d'installation de Windows 3.1 tenait sur une dizaine de disquettes par exemple) !

À la même époque, le procédé est étudié pour de nouvelles applications. Apparaissent alors les disques durs reposant toujours et encore sur le concept de charges électriques déposées sur une surface. La différence cependant se trouve dans l'emploi d'un disque métallique plutôt qu'une bande plastique. Les capacités de stockage décollent petit à petit passant des dizaines de mégaoctets aux centaines, puis timidement la barre des milliers de mégaoctets est dépassée pour finalement atteindre les disques durs que nous connaissons aujourd'hui.

Mais le stockage ce n'est pas que dans les ordinateurs ! On retrouve des bandes magnétiques dans les salons pour enregistrer des émissions de télévision sur des cassettes VHS ou encore dans les poches de nos adolescents pour écouter de la musique avec un baladeur et ses petites cassettes audio.

Tout se passe bien dans le meilleur des mondes ou presque… On stocke plus de choses que l'on aurait pu imaginer et c'est très bien comme  ça. Cependant les supports présentent un tout petit inconvénient : si vous les passez près d'un aimant, les données sont tout simplement fichues ! Il fallait donc trouver une solution…

L'avènement de l'optique

Cette évolution fut apportée par les ingénieurs des bureaux de Philips et Sony. Ils décidèrent d'utiliser un support en plastique qui pourrait être "creux" pour faire des trous et des bosses (des "1" et des "0").

Correspondance entre les creux et les données - Jean-philippe Muller

Ces changements de surface pourraient alors être lues par un laser et l'information numérique serait transmise à un processeur capable de l'interpréter. Ce nouveau support, qui marque un tournant dans les techniques de stockage, s'appelle le Compact Disc (CD) et est capable de stocker jusqu'à 700 Mo sur un disque de 12 cm de diamètre.

La révolution du numérique s'accélère et tout le monde veut créer son support et exploiter ainsi le filon de LA nouvelle idée. Certains tomberont dans l'oubli (qui se souvient des disques zip ?), d'autres au contraire vont changer nos vies. Parmi ces technologies, les mémoires flash seront les plus prometteuses. Elles sont légères, résistantes, rapides et surtout réinscriptibles ! L'adoption par le public est immédiate et son évolution est fulgurante, passant de quelques dizaines/centaines de mégaoctets à plusieurs gigaoctets en quelques années.

De son côté, le CD évolue aussi. Tout en gardant sa taille standardisée de 12 cm, il change de nom pour devenir le DVD (Digital Versatim Disc) et stocker 4,7 Go ou 9 Go, selon la version. Enfin, il continue sa course jusqu'à nos jours pour devenir le Blu-ray et passer à 25 voire 50 Go de stockage grâce à une évolution des lentilles et des technologies lasers permettant l'inscription et la lecture des données sur le support plastique.

Les disques durs quant à eux progressent au ralenti. Les contraintes mécaniques dont ils font preuve les empêchent d'évoluer aussi rapidement. Cependant, leur capacité de stockage est tellement grande sur un espace pourtant réduit et leurs prix attractifs les rendent favoris du grand public. Mais peut-être plus pour longtemps… En effet, les technologies de stockage "tout numérique" évoluent rapidement et pourront bientôt faire ranger nos disques durs au placard. On les appelle SSD pour Solid State Drive. Ce sont les supports de stockage de dernière génération. Tirant parti uniquement de l'électronique, ils sont capables de stocker de très grands volumes de données à des vitesses défiant toute concurrence puisqu'ils n'ont pas de partie mécanique pour les freiner. Leur seul inconvénient est leur prix, mais comme toutes les technologies précédentes, nul doute que ce dernier diminuera au fil des années lorsque la technologie deviendra plus mature…

Évolution future des technologies

Nous l'avons vu, la quantité d'informations stockées et les vitesses d'accès n'ont cessé d'augmenter au fil des années. Mais il y a un problème que les supports actuels rencontrent: les supports magnétiques et optiques ont une durée de vie limitée. En effet, les données s'altèrent avec le temps ou au contact d'agents extérieurs.

Dans cette optique, les chercheurs sont actuellement à la quête d'une nouvelle solution de stockage ne s'altérant pas dans la durée, et leur attention se porte aujourd'hui sur les cristaux, en particulier le quartz. En 2012, Hitachi, en association avec le professeur Kiyotaka Miura de l'université de Kyoto, a créé un prototype composé de plaques de verre de quartz qui pourrait stocker des données pendant des centaines de millions d'années sans aucune altération.

Le stockage sur verre de quartz pourrait préserver les données sans altération

Large de deux centimètres, et épais de deux millimètres, le système se compose de quatre couches proposant des trous réalisés avec un laser femtoseconde (un laser à impulsions ultra-rapides). Le prototype stocke les données sous forme binaire en créant des points à l’intérieur d’une fine feuille de verre de quartz. À chaque pouce carré (6,5 cm²), le verre peut contenir 40 mégaoctets de données. Le support se veut insensible aux rayures et donc parfaitement apte à durer indéfiniment. La chaleur, l'eau, les produits chimiques, les intempéries, rien ne pourrait entamer les données présentes sur le support.

À titre de test, il a été exposé à une température de plus de 1000 degrés pendant 2 heures et s'en est tiré indemne. Ceci dit, si stocker des données dans du verre de quartz est une chose, pouvoir en lire le contenu en est une autre… Actuellement, les données peuvent être lues via un microscope optique ordinaire, ce qui n'est vraiment pas adapté pour une utilisation à large échelle sur le marché.

En 2013, l'université de Southampton et celle d'Eindhoven ont travaillé ensemble sur un projet similaire. Ils ont réussi à enregistrer un fichier texte de 300 ko sur du verre de synthèse composé de nanostructures (composées de quartz fondu) ici aussi grâce à un laser à impulsions ultra-rapides. Le fichier est écrit sur les trois couches des nanostructures avec des points séparés de 5 micromètres. Le codage des données est réalisé en 5 dimensions : la taille et l'orientation en plus des trois dimensions des nanostructures. Cela permet de changer la façon dont la lumière se déplace à travers le verre. La lecture des données se fait par l'utilisation d'un microscope optique et d'un polariseur, ce qui limite ici aussi une commercialisation à grande échelle.

Mais bien qu'au stade du prototype, ces technologies ouvrent une piste intéressante quant au futur des techniques de stockage et de préservation des données… :)

Bon allez, nous devons vous laisser, nous avons un parchemin à finir et un pigeon à envoyer !

Pour en savoir plus


34 commentaires

Oui, en effet. La série "c'est toute une histoire" est ouverte, vous pouvez tous écrire des articles (et pas forcément avec un lien historique). Après, on a pas vraiment définit de rythme de parution même si l'on en avait discuté pendant la bêta.

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Oui, en effet. La série "c'est toute une histoire" est ouverte, vous pouvez tous écrire des articles (et pas forcément avec un lien historique).

Arius

Je ne comprends pas bien : quel est le thème de la série "c'est toute une histoire" si ce n'est pas l'histoire ? Pour ma part je réfléchissais à un article sur Ératosthène et la mesure de la Terre (plus quelques suppléments). C'est plutôt des Maths que de l'info, cela pourrait-il cadrer ?

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Je ne comprends pas bien : quel est le thème de la série "c'est toute une histoire" si ce n'est pas l'histoire ?

Il n'y a pas de thème justement. Il y a plusieurs sens possible à "C'est toute une histoire", tu peux autant faire un article, comme celui-ci avec un lien historique, ou faire un article sur un sujet sans ce lien. Par exemple, "C'est toute une histoire: l'attaque des bactériophages" où l'on parlera des voies lytique et lysogenique de manière vulgarisée avec un style rédactionnel détendu "en racontant une histoire".

L'idée générale de cette série est d'avoir des articles qui contrastent avec les autres par une orientation vers la vulgarisation, en abordant des sujets (qui eux peuvent être variés, ça peut être de l'info, de l'écriture comme du droit ou des maths (le site acceptant "tout" savoir)) de façon plus détendu, sans détails superflus pour développer l'intérêt du lectorat sur le sujet abordé.

L'idée de base derrière cette série est en fait inspirée de ce que l'on appelle le journalisme narratif, qui marche plutôt bien outre-atlantique, un peu moins par chez nous. Dans notre cas, ce n'est pas du journalisme évidemment mais l'on reprend cet aspect "narré"-imagé-décontracté ou assimilé (en laissant l'auteur libre d'y accorder une plus grande place ou non, ça dépend des sujets et des auteurs) en l'utilisant pour partager un savoir. Dans le cas de cet article, on aurait très bien pu donner plus de voix à nos amis Zgarbif, Otis (personne n'a grillé ma référence à Astérix et Obélix: Mission Cléopâtre :'( ) et faire entrer d'autres personnages mais l'article est plutôt pas mal dans l'état actuel, donner des exemples imagés était suffisant. :)

Ici, quand j'ai proposé l'idée de faire cette série, l'idée était véritablement de:

  • Partager un savoir vulgarisé
  • De manière détendue
  • En ouvrant la voie de la pluridisciplinarité (mélanger informatique et histoire, l'écriture, etc.) dans des articles qui ne sont généralement pas présenté de la sorte.
  • Ou en permettant aux auteurs de parler d'un sujet d'une manière différente de ce qu'ils auraient fait dans un article plus classique. Avec la liberté de choisir le ton, d'avoir une certaine dose d'humour etc. (tout en ne perdant pas le "nord", il s'agit quand même d'introduire un savoir).

L'idée est vraiment de permettre aux auteurs qui le souhaitent de se lâcher sur la forme au niveau des articles aussi. =) Si, pour ton article sur Ératosthène, tu désires le rédiger d'une manière narrée, tu peux. Si tu hésites quelque peu, tu peux simplement introduire des exemples imagés voire tout bonnement utiliser un style rédactionnel plus détendu. Il s'agit en fait de véritablement "casser" avec le "sérieux" des autres articles, d'avoir un ton plus fun, plus engageant, etc.

Pour ma part je réfléchissais à un article sur Ératosthène et la mesure de la Terre (plus quelques suppléments). C'est plutôt des Maths que de l'info, cela pourrait-il cadrer ?

Oui.

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Tres prometteur comme concept d'articles. Par contre, si tout le monde ne lit pas les coms, et vu que c'était pas forcément évident pour tout le monde, ce serait ptetre bien de faire un topic sur le forum pour présenter le concept et faire des appels à contribution.

Je vais réflechir à une idée d'histoire à écrire, ça peut être marrant.

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